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          MICKEY A 80 ANS Une souris à l'agonie ?

          MICKEY A 80 ANS

          Qui dit Mickey, dit Donald. Si devant les caméras, les deux héros de dessin animé les plus populaires du XXe siècle affichent une complicité de façade, en coulisse, ils se livrent une concurrence sans merci. Le moment est venu de les départager.

          S'il est une bataille que Donald ne gagnera jamais, c'est celle du temps. Le plus célèbre des canards est né le 9 juin 1934, date à laquelle on le découvre pour la première fois sur écran dans le dessin animé 'Une petite poule avisée', où il tient un second rôle. Mickey, lui, monopolisait le haut de l'affiche dès son premier cartoon, 'Steamboat Willie', sorti six ans plus tôt, le 18 novembre 1928. Et lorsque Donald pousse ses premiers "Kkkrrrooaaak", Mickey est déjà une star. Une première place que la souris a toujours conservée : c'est sa silhouette qui permet d'identifier l'univers Disney, l'âge d'or du dessin animé, les héros pour enfants et même la culture américaine. Au point de le desservir…

          Mickey, une espèce trop protégée

          Lorsque Marcel Duchamp s'est attaqué à 'La Joconde' pour réaliser son 'L.H.O.O.Q.', ses détracteurs n'ont pas compris que, loin de ternir la valeur artistique du tableau de Léonard de Vinci, sa parodie lui redonnait au contraire un peu d'actualité en en offrant une vision neuve et provocatrice. La Walt Disney Company ne l'a pas compris non plus et se montre particulièrement protectionniste avec Mickey. La moindre utilisation non autorisée du personnage et la firme lance son armée d'avocats aux trousses du fautif. L'exemple le plus célèbre reste le procès qui l'a opposée entre 1971 et 1979 au collectif de BD underground Air Pirates et à son chef de file Dan O'Neill, qui avait eu l'audace de représenter Mickey et Minnie en train de faire l'amour. En 1998, Disney a même obtenu du Congrès américain que les droits d'auteurs soient prolongés de 75 à 95 ans pour que la célèbre souris ne tombe pas dans le domaine public, comme cela aurait dû être le cas en 2003, et continuer à en exploiter les ressources commerciales. Cette loi, surnommée le "Mickey Mouse Protection Act", a définitivement enterré Mickey en tant que personnage. Il n'est plus qu'un emblème, une marque déposée. Et cela se ressent dans ses aventures.

          Tous les lecteurs de Mickey Parade vous le diront : les meilleures histoires sont celles de Donald. Le vilain petit canard offre une plus grande liberté aux scénaristes, qui lui font parcourir le monde et l'entourent de seconds rôles fouillés (Picsou, les neveux). A l'inverse, Mickey n'est plus qu'une coquille vide, devenue inexploitable. Il reste cloîtré à Mickeyville où il mène une vie pépère, tout juste importuné par quelques bandits qu'il arrêtera de toute façon si facilement qu'on n'a même plus envie de savoir comment. On ne connaît presque rien de son entourage, sa présence ne sert que de caution. Réduit à un logo (celui de Disney Channel et de tous les produits dérivés qu'on vend en son nom), Mickey Mouse fait même partie désormais des symboles de la mondialisation, au même titre que McDo. En 2007, une chaîne de télé contrôlée par le Hamas a créé son propre Mickey, "Farfour", qui tenait à l'antenne un discours belliqueux. Dans le dernier épisode, Farfour est tué par un Israélien en voulant récupérer sa terre, pendant que les noms de martyres palestiniens défilent à l'écran…Une telle mésaventure ne pourrait pas arriver à Donald. D'abord parce que sa place de second ne lui donne pas le même poids institutionnel, mais aussi parce que ses auteurs successifs ont su en faire autre chose qu'une figure manichéenne.

          Donald, l'anarchiste couronné

          Dans 'Steamboat Willie', Mickey torturait un chat (plus petit que lui, d'ailleurs) pour jouer de la musique puis noyait un perroquet. Depuis, on l'a vu défendre des animaux sous la bannière de la WWF. Tellement plus lisse et surtout tellement moins drôle… Dès les années 1930, l'influence du personnage est devenue si grande que Walt Disney a dû gommer les aspérités de son caractère pour donner vie au Mickey Mouse que nous connaissons aujourd'hui : une sorte de premier de la classe moraliste passé du côté des adultes, le type à qui tout réussit au point d'en être détestable. En 1969, le scénariste italien Guido Martina a créé Fantomiald, l'identité secrète de Donald lorsque celui-ci revêt sa combinaison de super-héros. Mickey n'a pas besoin de se travestir de la sorte : il est déjà un super-héros ! Il prend son rôle de redresseur de torts tellement au sérieux qu'il apparaît dans ses aventures en BD sous le costume d'un détective au service du commissaire Finot. Mickey est flic. Il représente l'ordre et la réussite, fait du sport, se brosse les dents matin, midi et soir, vote républicain, joue au golf, porte des chemisettes Façonnable et noue les manches de son pull-over autour du cou quand il ne le porte pas. Comment ne pas éprouver plus de sympathie pour un canard qui se balade constamment à moitié à poil ?

          Le fait qu'il existe déjà un contrepoids moral en la personne de Mickey a permis aux créateurs de Donald de lui laisser tous ses mauvais penchants. Dès sa première apparition dans 'Une petite poule avisée', cet incorrigible fainéant - qui ressemble alors à une oie atteinte d'obésité - faisait mine d'être malade pour échapper aux corvées agricoles et rester faire la fête avec son copain le cochon. Donald est l'un des premiers héros de dessin animé à montrer ses faiblesses. Alors que Mickey et Minnie forment un couple parfait, lui doit se battre contre Gontran Bonheur pour conserver l'amour de Daisy. Alors que Mickey s'entoure de faire-valoir - Dingo n'est plus qu'un sombre crétin à ses côtés -, Donald doit sans cesse compter sur l'aide de ses neveux Riri, Fifi et Loulou. Et lorsque Mickey se lance à corps perdu dans son combat contre la délinquance, Donald rechigne toujours à suivre l'oncle Picsou dans une de ses expéditions au bout du monde, préférant la douceur de son hamac à l'inconfort du statut de héros. Il arrive même que ses aventures finissent mal (Daisy part avec Gontran, Picsou ne le paie pas…), une hypothèse inimaginable dans une histoire de Mickey ! Lâche, colérique et gaffeur, Donald n'en est pas moins attachant. Parce qu'il est humain. Une particularité qui lui donne une dimension adulte, alors que Mickey reste désespérément un héros puéril.

          Le triomphe des antihéros

          On pourrait disserter sur l'influence qu'ont eue les deux géants du dessin animé au regard du nombre de souris et de canards qui leur ont succédé : Jerry, Bernard et Bianca, Fievel ou Stuart Little d'un côté, l'inspecteur Canardo et Daffy Duck, un cousin très proche de Donald, de l'autre. Match nul. Là où la postérité a accordé une plus grande place à Donald, c'est dans l'avènement des antihéros. Les dessins animés classiques reposent sur une lutte entre gentils et méchants pour mieux condamner la sournoiserie de ces derniers : c'est le cas de 'Titi et Grosminet' ou de 'Tom & Jerry', qui placent le spectateur du côté de la victime, du petit, face à un bourreau maladroit et ridicule. Dans les cartoons de Donald contre Tic et Tac, la star, c'est celui qui fait les mauvais coups, qui sort une arme à feu pour tirer sur les deux écureuils et part dans des colères dévastatrices ; une inversion de rôles qu'on retrouve dans presque toutes les séries actuelles.

          S'il reste des premiers de la classe, à l'image de la tortue Franklin, les enfants préfèrent aujourd'hui des personnages moins policés, excessifs, voire ambigus (Bob l'éponge), à la fois plus adultes, c'est-à-dire moins niais, mais capables comme eux de faire des bêtises. Titeuf ou le Petit Spirou ne sont sûrement pas des exemples de bonne conduite. Cette "donaldisation" des caractères a même fini par toucher… l'univers Disney lui-même ! Face à la concurrence de Shrek, l'ogre bourru de DreamWorks, les studios Disney ont peu à peu laissé tomber les archétypes de princes et de princesses pour donner vie à des héros moins propres sur eux : Chicken Little le poulet raté, Kuzco l'empereur mégalo (pour une fois que la monarchie n'est pas présentée sous un jour glorieux) ou 'Il était une fois', tentative d'autodérision un peu ratée, mais tentative quand même. A quand un 'Mickey deale du crack' ?

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