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          Culture : les raisons d’espérer d’Axel Dauchez, Directeur Général de Deezer

          Culture : les raisons d’espérer d’Axel Dauchez, Directeur Général de Deezer

          Partenaire du Forum d’Avignon, rencontres internationales de la culture, de l’économie et des médias, qui se tient cette année du 15 au 17 novembre, Evene publie chaque jour une interview d’un acteur culturel. Aujourd’hui, le patron de Deezer, le site d’écoute musical légal en streaming, nous dit les espoirs qu’il place en l’esprit créatif.

          La culture vous donne-t-elle une raison d’espérer ?

          Nous venons d’un monde déterminé par la frontière où notre identité était principalement construite par notre pays ou notre peuple ; où la diversité et la confrontation des nations créaient (pour le meilleur et pour le pire) l’évolution des civilisations. Dans cet ancien monde, la culture pouvait refléter la sédimentation du passé ou un clivant social. Elle devait en tout état de cause s’imposer pour passer du luxe à la nécessité.  Nous basculons dans un monde dont l’évolution majeure est une mondialisation inéluctable des économies, des populations et des comportements. Nos principes identitaires sont remis à plat (surtout dans les vieux pays européens). Au-delà, la notion même de diversité, condition darwinienne essentielle de notre évolution, est à réinventer pour survivre sans s’étouffer. Dans ce nouveau monde, la culture n’est plus la couche supérieure des attributs d’un pays ou d’un peuple, elle va devenir peu à peu le facteur prépondérant de notre identité (géographiquement dilué) et surtout de notre diversité. L’enjeu culturel devient alors capital. Soit la culture se contente de reproduire les frontières du passé et notre futur alternera entre communautarisme et uniformité. Soit la culture fait preuve d’imagination et nous pourrons recréer alors sur notre terre des espaces identitaires apaisés, non exclusivement nationaux ou communautaires. Bien au-delà, la concurrence culturelle peut initier un nouveau modèle d’évolution compatible avec notre monde clos. Construisons vite ces espaces d’espérance.

          Comment les bâtir ?

          L’urgence est aujourd’hui de préserver le potentiel de diversité de la culture non pas en se focalisant exclusivement sur la protection de la création mais surtout en s’assurant une pluralité de la distribution culturelle. Musique, cinéma, éditions, etc. Toutes les expressions culturelles sont aujourd’hui soumises au risque de la globalisation de la distribution. Pour s’orienter dans la bonne direction, il faut ainsi avant tout être vigilant pour que les structures de « distribution culturelle » trouvent un équilibre entre les nouveaux distributeurs globaux (iTunes, Google,…) et les anciens distributeurs locaux (Fnac, Gaumont, HMV…). C’est un enjeu crucial et politique. Pour s’orienter durablement dans la bonne direction, c’est également un enjeu d’éducation culturelle. On doit avant tout absolument conserver un enseignement culturel national sans le sacraliser – rien n’est possible sans ce premier cercle. On doit également développer, sur cette base identitaire, une curiosité gourmande de la diversité culturelle sans la restreindre à une ethnologie culturelle.

          La musique illustre-t-elle aujourd’hui selon vous cet enjeu ?

          Les comportements musicaux d’aujourd’hui reflètent la structure du marché actuel : un arbitrage entre musique locale (nationale) ou musique globale (made in USA). Pourtant, la mondialisation de la distribution de la musique est en route et bientôt les usages locaux ne seront plus déterminés exclusivement par la structure des marchés locaux. Soit nous sommes passifs et cette évolution pourrait consacrer l’uniformité de la musique « mondiale », paradoxalement facteur de replis communautaires. Soit nous sommes talentueux et, en maintenant notamment des réseaux locaux de distribution, chaque pays peut devenir le creuset de sa musique locale, de la musique mondiale mais également des musiques de ses diasporas. À l’instar du Jazz en son temps, les musiques africaines, arabes, latino-américaines, asiatiques… peuvent devenir de fantastiques facteurs d’échange, d’intégration et, au-delà, de créations radicales.

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