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          EVENE RENCONTRE PLANTU Le Monde selon Plantu

          EVENE RENCONTRE PLANTU

          "Signature" du Monde depuis les années 80, Plantu croque l'actualité avec pertinence et humour. Son dernier recueil égratigne largement la politique américaine au Moyen-Orient. Mais Plantu est bien plus optimiste qu'il n'y paraît...

          Dans ce recueil, vous relatez un entretien avec un caricaturiste israélien qui déclare : "Le dessin de presse n'a pas la force pour être un facteur de paix ou de violence." Qu'en pensez-vous ? Partagez-vous cette vision ?

          Je crains qu'il n'ait tort, surtout en ce qui concerne la violence. Prenons par exemple les dessins publiés dans la presse du monde arabe, en Egypte notamment, qui constituent des réactions violentes à l'arrogance américaine. Ce sont des dessins très anti-américains, mais au-delà, ils poussent à une attaque frontale contre les Israéliens. Je me souviens d'avoir rencontré des dessinateurs égyptiens et de leur avoir dit que leurs dessins étaient antisémites. Bien entendu, ils ne le voient pas comme ça. Mais la répétition quotidienne de dessins, qui s'inscrivent toujours dans la même tendance, à savoir la critique frontale des Américains et des Israéliens, fait que quand un car d'Israéliens explose... Et la formule du Hamas "tout juif est une cible", ça leur paraît tellement évident. Faut-il répondre à un racisme arabe par un racisme antisémite ?

          Avez-vous en tête un de vos dessins qui aurait eu des conséquences particulières ?

          Des hommes politiques se sentent souvent déstabilisés par une de mes images. Je me souviens d'un politique à qui j'avais dessiné un imperméable relevé, avec des mouches autour de lui : ça lui avait vraiment posé un problème. Récemment, un autre m'a téléphoné parce qu'il trouvait que je l'avais fait trop gros ! Il me disait qu'il avait fait un effort pour perdre quinze kilos et je n'avais pas fait attention... Il avait raison !

          Et vis-à-vis de l'opinion ? Concernant votre traitement de la guerre en Irak, par exemple ?

          Il y a une certaine partie de mes dessins que je revendique sur cette période et une autre que je préférerais ne pas revendiquer. Je peux me tromper, mais j'étais contre l'intervention des Américains en Irak. Depuis mars 2003, j'ai donc fait beaucoup de dessins qui critiquaient la position de Washington. Quand je fais le bilan, je me rends compte que je n'ai pas assez mis de nuances, je n'ai pas montré à quel point j'aime l'Amérique et les Américains.

          Un dessin publié en une a-t-il toujours plus d'impact ?

          Non, une image reste gravée dans la tête des gens, même si elle est en page 12. Elle fait partie de l'imaginaire collectif, comme une photo de George Bush, Kerry, l'apparition de Ben Laden. C'est pour cette raison qu'il faut toujours que le créateur d'images, qu'il soit photographe ou dessinateur, se sente responsable de ce qu'il fait.

          Quelle a été l'évolution du métier de dessinateur de presse depuis vos débuts, notamment du point de vue de la liberté d'expression ?

          Je me suis autocensuré, et ça ne m'a jamais gêné de le dire, contrairement à une formule très en vogue du côté de Charlie Hebdo à une époque, et qui m'agaçait beaucoup : "Faut pas interdire, tout est permis, il n'y a pas de limites." C'est faux et démagogique. Il y a des choses qui ne peuvent pas passer à la une du journal. Mais personne ne m'empêche de dessiner au Monde, des choses négatives sur Hollande ou Sarkozy. Le directeur du conseil de surveillance en 1995 était balladurien, pourtant, j'ai dessiné tout ce que je voulais sur Balladur. J'ai même la vilaine prétention de penser que si il a perdu trois points, j'y suis pour quelque chose ! Du point de vue de la liberté d'expression, je trouve que l'on assiste à une uniformisation de l'information inquiétante. Si on met bout à bout tout ce qui a été dit sur les élections américaines, sur les prétentions de Sarkozy et qu'on le compare avec le peu d'information accordée aux millions d'Africains qui meurent du sida aujourd'hui...

          Vous auriez tout de même une plus grande liberté si vous travailliez pour Charlie Hebdo ?

          Seulement du point de vue de l'expression. Je pourrais être plus familier. C'est à ça que sert un recueil comme celui que je viens de sortir. Les inédits disent la même chose que les dessins qui ont été publiés dans Le Monde et dans L'Express mais ils le disent avec un langage plus libre.

          Je voudrais revenir sur la rencontre avec Arafat qui est racontée dans votre livre. Vous l'aviez rencontré pour la première fois en 1991, non ?

          C'était à l'époque où il n'avait pas encore reconnu officiellement l'Etat israélien. Je lui ai tendu un feutre bleu, il a dessiné l'étoile de David. Je l'ai revu en mai dernier. Mais je ne l'avais jamais sollicité. Un dessinateur palestinien que je connais bien m'a téléphoné un jour pour me dire : "Le vieux voudrait te voir." Je l'ai fait réagir à mes dessins. Il a tenu un discours optimiste sur ce que sera le Proche-Orient dans 20 ou 30 ans et a dessiné le futur billet de banque de la région, avec la croix, le croissant et le chandelier. Je crois aussi en cette évolution. Qui aurait pensé en 45 que nos enfants auraient de si bonnes relations avec les Allemands d'aujourd'hui ? C'est évident, Israéliens et Palestiniens sont cousins.

          Quel est l'intérêt, pour vous, de rencontrer des dessinateurs israéliens ou palestiniens ?

          Si on veut connaître le baromètre de la liberté d'expression d'un pays, il ne faut pas aller voir le Premier ministre, mais le dessinateur de presse. Même dans une dictature. Comme les dessinateurs iraniens n'ont pas le droit de dessiner de chiites, à la place ils dessinent des talibans, et là, ils ont le droit...

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