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          LA FETE DES MERES NTM : N’oublie pas Ta Maman

          LA FETE DES MERES

          Le 3 juin, on célèbre traditionnellement la Fête des mères. Hommage à toutes les mamans ou à toutes les mères. L’occasion d’absoudre l’ingratitude des enfants en une journée symbolique.

          Contrairement aux apparences, le 3 juin n’est pas que la Fête des mères mais aussi l’occasion d’une revanche sournoise des animateurs de centre de loisirs contre une ingérence un peu trop encombrante des mamans. Tendre vengeance car l’animateur armé de boîtes de camembert, de coquillages et de spaghettis pourra inciter l’enfant chéri à remercier sa maman d’un cendrier très, très kitsch ou d’un collier de perles plus ou moins tendance.

          Menteuse

          Etre parents, ce n’est pas évident. On imagine un petit bout d’chou, heureux de son cendrier Caprice des Dieux décoré de plumes, de billes et d’une touche de peinture plus ou moins disgracieuse, où l’on pourra lire un savoureux “Je t’aime maman” (message subliminale de l’animateur pour la mère super sexy), qu’il a minutieusement préparé, la langue sortie sur le côté en guise d’effort et la volonté pleine d’une énergie débordante. Impatient de remettre le cadeau à sa maman d’amour, il se jette dans ses bras, le sourire au-delà du visage et les yeux grands ouverts. Un cendrier probablement indispensable…

          Voyons maintenant la réaction de la mère. Fatiguée par une journée de travail, elle savoure effectivement ses petits bras serrés contre son cou et l’inestimable câlin de son chérubin. Elle ne sait pas encore. Une petite main cachée derrière le dos, et hop, l’enfant, fière de sa surprise, dégaine le présent si merveilleux. Instant sublime d’un mensonge devenu traditionnel, la mère, bienveillante, regarde son fiston, décuple son talent de comédienne et assène un magnifique “Comme c’est beau mon chéri !” Menteuuuuuse !!! Et dire que le(a) gamin(e) se fera gronder lorsqu’il mentira afin de justifier son retard après la boom chez les Martinis. La Fête des mères ou comment enseigner les artifices de la vie en société.

          La Mère des mères…

          N’empêche. Quelle différence entre ce présent si mignon de l’enfant, plein d’une intention et d’une foi inébranlable, sûr de son effet, et les offrandes adultes des anciens Grecs à Rhéa, mère de Zeus, et de tous les dieux. Pensez-vous qu’elle se réjouissait vraiment, en son temps, de mares de sang putréfié, d’animaux égorgés et de vin bouchonné ? Non, mais comme elle aimait ses enfants, elle aussi mentait… Peut-être que cette célébration fut les prémisses de notre Fête des mères. Disons alors que le cercle familial s’est réduit du collectif à l’intimité d’un foyer.

          De la naïveté de l’enfant à l’amour du grand dadais

          L’enfant devient adulte mais il continue d’aimer sa maman. Terminées les salles bruyantes des maternelles et des centres de loisirs. Place aux bureaux, aux usines ou à l’esprit de sérieux. Il y a les précaires sincères pour qui le coup de téléphone ou la simple fleur suffit amplement. Les plus friqués, qui se la jouent croisière le long du Nil ou bijoux étincelants (on ne refuse rien à sa maman). Et enfin, ceux contre qui on ne peut pas lutter : les artistes et les écrivains. Les musiciens qui, nostalgiques du temps où ils fredonnaient d’une voix hésitante une chanson un peu répétitive (“Ma maman que j’aime”, “Elle est belle ma maman”, etc.) inventée rapidement avec l’aide indispensable de l’instituteur ou de l’animateur(trice) (encore !!!), décident d’en écrire une qui aujourd’hui sera écoutée par des millions de gens et vendue en milliers d’exemplaires. Quand Souchon déprime, c’est sa ‘Maman bobo’ qu’il réclame. Même les rappeurs s’y mettent, de Leslie au plus underground Mokobe (feat. Booba).

          Mais imaginons un peu la suprême reconnaissance : le livre. ‘Louange à vous, mère de tous les pays, louange à vous en votre soeur ma mère, en la majesté de ma mère morte. Mères de toute la terre, Nos Dames les mères, je vous salue, vieilles chéries […] confesse Albert Cohen, ému de la nostalgie maternelle. Le plus bel hommage peut-être, un livre introspectif pour sa maman et anonyme pour sa mère.

          De la Mère à la Maman

          Plus sérieusement, la dissymétrie entre la ‘Mère’ et la ‘Maman’ n’est pas anecdotique. L’universalité de la nomination “Mère” implique une mythologie, des valeurs conditionnées par la structure, une signification sociale. A contrario, ‘Maman’ renvoie à un sentiment personnel et intime. Ce qui se produit entre une maman et son enfant suggère une proximité sentimentale singulière, unique. Mais ce lien subjectif peut être englobé dans l’universalité d’une expérience affective vécue par l’ensemble. Comme le note Finkielkraut, dans un bel hommage à ‘La Chambre claire’ de Barthes, ‘Mère est un statut, un rôle, une place dans un système ou un ordre institutionnel. Maman est un câlin’. Car, le rapport mère-enfant est objectif dans les faits et mythologique en société. Comment expliquer, sinon, une possibilité de renversement par lequel l’enfant, devenu un adulte débarrassé des contraintes morales et sachant scinder l’interprétation sociale de l’existant sentimental, n’hésite plus à reprocher à sa mère les erreurs du passé ? Guy Bedos (“Le premier gouvernement à contester, c’est sa mère”) et Woody Allen (“Lorsque j’ai été kidnappé, ma mère a réagi tout de suite : elle a sous-loué ma chambre !”) se moquent avec talent d’une mère envahissante et omnipotente, Maïwenn règle ses comptes face à l’écran (‘Pardonnez-moi’), jusqu’à Eminem qui n’hésitera pas à conspuer sa génitrice dans le morceau ‘Criminal’. Le reproche s’adresse automatiquement à la Mère, l’indulgence est toujours réservée à la Maman.

          Déconstruire la ‘Mère’

          Cette figure de la Mère est un conditionnement. Et, ce n’est pas un hasard si la Fête des mères est consacrée idéologiquement sous l’autorité de Pétain en pleine période vichyste. Ce mythe intègre le modèle familial traditionnel et conservateur occidental. La famille s’inscrivait dans l’ordre stabilisateur et totalisant de l’individu en société et il avait tendance à aliéner la femme et à oppresser l’individu. Se libérer de la famille consistait à pouvoir échapper à l’être auquel on était rivé, aux déterminismes socioculturels et à des principes moraux illégitimes. Il n’est donc pas étonnant que la révolte de Mai 68 se soit attachée, en priorité, à déconstruire le mythe familial. Marx, Nietzsche ou Stirner avaient d’ailleurs commencé à ébranler cet artifice humain depuis plus d’un siècle. Quand aux féministes, la vision androcentrique et figée de la mère réduisait de manière insoutenable la femme à une essence insurmontable, la privant ainsi d’une existence libre. Simone de Beauvoir symbolise précisément la critique contre cette vision injuste, enfermant insatiablement la femme dans cette identité de mère ou de maîtresse de maison. Aujourd’hui encore, Eliette Abécassis (dans ‘Le Corset invisible’) n’hésite pas à dénoncer la persistance de mythes tels que le ravissement de la maternité ou l’illusion du prince charmant. Se débarrasser de la mère, tout en préservant la maman, devient dès lors un exercice moderne d’émancipation.

          Pas d’inquiétude pour autant. Si la Mère comme modèle disparaît, la Maman semble survivre. Quand Luc Ferry constate la déconstruction des valeurs, il en appelle malgré tout à un retour au lien familial à partir d’une ‘transcendance inhérente à l’immanence’ : l’Amour. De plus, Desproges, dans un sketch resté célèbre, a donné la solution absolue aux parents pour contrer le joli dessin ou le collier de perles : créer “la fête des enfants” et offrir “des schtroumpfs pas chers avec deux boulettes de mie de pain et quatre allumettes pour les pattes” ou “un vélo-cross sans selle avec un os de gigot pour le guidon” à nos petits rejetons.

          Finalement, un gros ‘bisou méduse’ sur les joues d’une maman vaut quand même tout l’or du monde et peut-être faudrait-il tout simplement que tous les autres jours de l’année, aux dépens de ce premier dimanche de juin, soient l’occasion de célébrer ‘la Fête des Mamans’...

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