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          INTERVIEW D'EMMANUEL HOOG, PRESIDENT DE L'INA Valeur numérique

          INTERVIEW D'EMMANUEL HOOG, PRESIDENT DE L'INA

          Votre mission suppose un développement technologique de premier ordre.

          Bâtiment Europe - Siège de l'INA à Bry-sur-Marne (c) Manuel Carlier - INA, Droits réservés Ce chantier nous a en effet permis d'accumuler de l'expérience, il a donc fait école, et aujourd'hui il rayonne dans le monde entier. Il ne se passe d'ailleurs pas une semaine sans que nous accueillions une délégation étrangère qui vient observer nos équipements et voir nos méthodes parce que numériser près d'un million d'heures, c'est quelque chose qui est quasiment unique au monde.

          Avec l'ouverture du site www.ina.fr, vous vous êtes donc aventurés dans un univers en plein essor. En quoi la révolution numérique a-t-elle modifié votre travail ?

          Le numérique a permis de tuer les coûts de diffusion. Mais les images sont bien évidemment les productions d'auteurs. Il y a donc certains droits que l'on doit protéger juridiquement, moralement mais aussi économiquement. Le monde d'Internet est beaucoup moins contrôlé, il a fallu rendre les choses beaucoup plus souples juridiquement, sans oublier de garder des protections, pour assurer la diffusion de toutes nos images.

          Viser un public plus large était-il l'objectif avoué d'un tel site ?

          C'est une démarche naturelle de transmettre. Quand on fait une sélection pour le public, il faut bien évidemment l'organiser. Chaque image est créée au travers d'un prisme qu'il est nécessaire d'expliquer. Ainsi, sur certains journaux télévisés, on s'aperçoit bien évidemment que l'Histoire se raconte autrement, que certains regards d'alors demandent un éclairage, un commentaire. L'INA est un espace public, il est impératif que l'on soit un élément de référence. Il était important pour nous que les visiteurs sachent d'où les documents viennent, que l'image soit référencée, "sourcée" et juridiquement irréprochable.

          Et l'INA pourrait-elle archiver le web ?

          Stockage des archives du dépôt légal (c) INA, Droits réservés Il est déjà prévu que l'INA prenne le dépôt légal du web, c'est-à-dire qu'elle enregistre régulièrement le web français ou francophone. C'est la poursuite de ses missions d'origine. Mais ça pose des problèmes techniques ; l'idée d'un archivage du web, à un moment précis, est vertigineuse. On doit se battre pour préserver l'histoire du web, parce que dans 25, 50 ou 100 ans, on ne peut pas imaginer vouloir restituer ce qu'était la culture à un moment précis de l'histoire du XXIe siècle sans se référer à l'état d'Internet d'alors. Si l'on veut raconter des événements historiques, les débats qui traversent la société, Internet est un passage obligé. Il est donc capital d'en garder la mémoire.

          Peut-on envisager la création d'un musée de l'audiovisuel ?

          C'est un sujet sur lequel je suis très partagé. Les diverses expériences ne semblent pas très concluantes. En France, le musée de l'audiovisuel, clairement, je pense qu'il passe par ina.fr, jamais dans un musée on ne verrait autant d'oeuvres simultanément. La télévision est quelque chose qui se démode assez vite, où les formats bougent beaucoup. Je ne sais pas très bien ce que les gens iraient voir dans ce musée. Si c'est la nostalgie, il y a certaines chaînes qui le proposent. L'éducation à l'image, l'histoire des médias, elles aussi, peuvent entrer dans d'autres lieux, comme l'école par exemple, et ne doivent surtout pas être limitées à un musée.

          Mais il y a un objet. Que fait-on de l'objet ?

          Dépôt légal TV - salle de captation (c) INA, Droits réservés Il mourra. Il finira par mourir. Notre société s'intéresse beaucoup trop au support et pas assez au message, on est dans la folie de la préservation, pas assez dans l'intelligence des messages. Comme on est dans un pays riche, dans le doute, on garde. On croit que tout va faire sens, mais on ne peut pas garder tous les objets. C'est une forme de déontologie, il y a des choix à faire. C'est une responsabilité importante, car on est dans un vrai confort mémoriel en France, et il y a une inégalité fondamentale dans le monde autour de la question de la sauvegarde. Or, dans des dizaines d'années, on ne s'intéressera qu'à l'histoire des peuples qui ont conservé leur mémoire.

          Justement, sur le plan international, peut-on réduire cette inégalité ?

          A l'INA, on pense qu'on a une responsabilité. Elle est généreuse, elle n'est pas illimitée. A certains endroits de la planète, en situation de danger extrême pour la sauvegarde de la mémoire, on essaie d'intervenir. Mais il ne s'agit pas de copier machinalement les documents et de les expédier. On essaie de trouver en face de nous des professionnels qui partagent cette volonté de faire vivre les images, de les commenter. Libre alors à chacun des pays partenaires de présenter ses archives à sa guise. Il faut encourager cette grande rencontre que promet Internet, sans quoi les images diffusées viendront toujours des mêmes endroits.

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