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          L'INFORMATION EN CONTINU Au fil de l'actualité

          L'INFORMATION EN CONTINU

          La tentation du philistin

          Courtesy Michael Blum, (c) Newmuseum Exodus 2048, Michael Blum, 2008, Courtesy Michael Blum, (c) Newmuseum En outre, pour recevoir une information, avec tous ses tenants et aboutissants, bon nombre de connaissances sont aussi nécessaires. Comment comprendre la dernière confrontation israélo-palestinienne sans avoir en mémoire les origines de leur discorde ? Comment entendre l'impact de la disparition du juge d'instruction dans le système juridique français sans un minimum de connaissances en droit ? Ces questions en appellent une autre : peut-on considérer comme de l'information le fait de voir des choses qu'on ne peut pas comprendre ? Il faut se rendre à l'évidence, si tout le monde peut tout voir, personne ne peut tout comprendre. Même un génie a ses zones de méconnaissance. Les avancées techniques ne cessent de réduire les intermédiaires pour permettre une communication directe, mais en s'y frottant on se rend compte que ces intermédiaires sont justement nécessaires. Comme l'explique le théoricien de la communication Dominique Wolton : "L'idée d'une information et d'une connaissance 'directe' est un fantasme dangereux." (4) Recevoir toute cette information sans avoir les clés pour l'interpréter, c'est risquer de devenir ce qu'Hannah Arendt appelle un "philistin" : une personne qui consomme l'information, la connaît en surface sans chercher à la comprendre, pour ensuite pouvoir l'étaler en société. Quelqu'un qui passe, finalement, complètement à côté de la signification du mot "culture".

          Immédiateté contre réflexion

          Quand bien même nous posséderions toutes les clés de compréhension nécessaires à la réception d'une information, nous ne l'appréhenderions pas pour autant correctement. Avec ce tourbillon incessant d'informations, difficile de faire un pas en arrière pour prendre le temps de mettre en perspective ce qu'on vient d'apprendre. Or, la réflexion demande du temps. Comme pour les sciences dures, lorsqu'il s'agit de nouvelles liées aux sciences humaines, il est nécessaire d'aller au-delà de ce qui est évident pour exercer un véritable exercice critique. Selon Dominique Wolton : "Il n'y a pas de connaissance sans pensée critique, c'est à dire sans mise à distance et questionnement des discours et techniques." L'écrivain Milan Kundera fait aussi l'apologie de la lenteur comme alternative au flot d'informations pour comprendre notre monde. Sans ce recul et cette lenteur, l'émotion prend le pas sur la réflexion. C'est alors une sensibilité primaire qui lira l'information. Une sensibilité à la fois de moins en moins sensible, du fait de l'accoutumance au flux incessant de nouvelles atroces, et déconnectée de tout esprit critique nécessaire à une compréhension en profondeur du sujet.

          Contrairement aux apparences, les vraies frontières de l'information ne sont donc pas techniques ou géographiques mais liées à leur contenu. Les fils d'actualité ne permettent pas une meilleure information. Doit-on pour autant les bannir ? Comme le souligne Dominique Wolton, si on reconnaît la capacité critique du citoyen en politique, il apparaît logique d'en faire de même en matière d'information. Reste que pour accomplir correctement son devoir de citoyen, une bonne connaissance de l'Histoire, du politique et du monde qui nous entoure est nécessaire. En politique comme en matière d'information, l'enjeu se situe donc, comme souvent, du côté de l'éducation, de la formation intellectuelle et du développement de l'esprit critique. Il ne faut pas pour autant dédouaner les médias de toute responsabilité. Ils participent pour beaucoup à la "formation continue" d'une société. Ils se doivent donc de mener un travail d'analyse et de retour sur les événements, en parallèle à la déferlante de nouvelles.

          (4) Dominique Wolton, 'Internet, et après', Flammarion, 2000.

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