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          HOMMAGE A INGMAR BERGMAN Le mal-aimé

          HOMMAGE A INGMAR BERGMAN

          Consacrer soixante ans de sa vie aux arts n’est pas chose commune. Aussi, à l’heure où Ingmar Bergman s’éteint, sa mère patrie jadis si frileuse se recueille en pleurant son génie du cinéma.

          Replié sur l’île de Faarö, il avait confié à la télévision suédoise en 2000 que “le fait même de vivre est lourd”. Etonnant destin d’un homme qui fut si longtemps décrié par son pays, et qui est aujourd’hui l’objet d’une adulation sans faille par tout le septième art. C’est pourtant au théâtre qu’Ingmar Bergman va faire ses premiers pas. Il met en scène Strindberg, Shakespeare ou bien Suttone Vane. Démobilisé durant la Seconde Guerre mondiale à cause d’un ulcère, il prolonge ses premières amours en écrivant une douzaine de pièces de théâtre et un opéra. Il met en scène l’une d’elle ‘La Mort de Polichinelle’, ce qui lui donne l’occasion de faire la rencontre de Carl Anders Dymling, directeur d’un studio suédois qui lui ouvre les portes du cinéma, en qualité de scénariste.

          Renoir et Carné en ligne de mire

          Si les studios de la Svensk Filmindustri empruntent leur technique au cinéma américain, Bergman est pour sa part davantage séduit par Jean Renoir ou Marcel Carné. Son idylle avec le cinéma ne s’éteindra jamais. En 1946, il tourne son premier long métrage ‘Crise’, alors qu’il poursuit en parallèle une activité théâtrale. Même si cette première est un échec, il ne renoncera jamais. Au cours de sa carrière, ce ne sont pas moins de quarante films qu’il réalisera, parmi lesquels ‘Les Fraises sauvages’ (1957), ‘L’Heure du loup’ (1968), ‘Le Silence’ (1963) ou encore ‘Sonate d’automne’ (1978). Plus qu’une passion, tourner représentait pour lui l’essence même de la vie : “Faire des films est pour moi un instinct, un besoin comme celui de manger, de boire ou d’aimer”. Son premier succès international survient en 1955 avec ‘Sourires d’une nuit d’été’. Pourtant, très vite, il devient le mal-aimé en Suède. On lui reproche ses thématiques morbides ou métaphysiques, qui rend l’homme seul face à ses démons, ses peurs, qui le hantent, et font de lui un être en état de déréliction. Le grand public l’accuse même d’être en partie responsable de la réputation de névrosés que traînent les Suédois. Mais il en faut davantage pour décourager Bergman.

          Le tragique de la condition humaine scruté

          Il multiplie les tournages, applaudis aux quatre coins du monde. Sa mise en scène du caractère tragique de la condition humaine fascine. “Ce n’était pas le cinéma qui était en jeu. La grandeur de Bergman est tout entière dans sa compréhension vertigineuse de l’humain”, analyse Olivier Assayas. Sa technique et sa connaissance du métier inspirent le respect de tous : “Il a fait les plus beaux plans du monde, parce qu’il sait tout du visage de l’acteur”, s’enthousiasme Patrice Chéreau. Bien que pionnier, sa longévité fait qu’il fréquente ceux qu’il a inspirés. “Godard, Truffaut ou Allen en sont profondément imprégnés” confesse Arnaud Desplechin qui confie avec un respect presque sacré : “Il est le seul cinéaste auquel je m’interdis de penser en faisant un film, sous peine de tout arrêter”. Les femmes sont chez lui un objet de fascination qu’il se délecte à mettre sous les feux de ses projecteurs. Ingrid Thulin, Maj Britt Nilsson, Ulla Jacobsson ou encore Liv Ullmann connaîtront les plus belles heures sous la direction de Bergman. “J’aime beaucoup travailler avec les femmes, avouait-il en marge d’une conférence de presse pour son film ‘Cris et chuchotements’ sorti en 1973. J’aime beaucoup leur écrire des rôles plus nuancés. Mais je ne crois pas qu’elles sont pour autant plus proches de la vie.”

          Sarabande ou la boucle bouclée

          Au-delà du personnage féminin, son oeil décrypte avec crudité et précision les comportements du couple, et les scènes de vie conjugale parcourent l’ensemble de son oeuvre. Son dernier film ‘Sarabande’, sorti en 2003, est l’occasion de donner une suite à ‘Scènes de la vie conjugale’, près de trente ans plus tard, en dirigeant les mêmes acteurs qu’alors. D’ailleurs, à la fin du tournage, son égérie Liv Ullman confiait sa crainte d’avoir tourné le dernier film de son réalisateur fétiche. Comme la fin d’un cycle. L’histoire lui donnera raison. Fatigué, il restait cloîtré sur son île de Faarö, “son amour secret”, comme il en témoignait dans son autobiographie ‘Laterna magica’, inconsolable depuis la mort de sa dernière femme Ingrid von Rosen. Pourtant, après l’avoir boudé des années, la Suède le consacrait enfin, le reconnaissant comme un grand maître du cinéma. Même l’équivalent des César suédois attribue désormais un prix Bergman, qui récompense les jeunes talents du cinéma. L’hommage international n’a quant à lui jamais été démenti, et il est le seul réalisateur à avoir obtenu la Palme des Palmes au Festival de Cannes en 1997. L’agence de presse suédoise annonce que le cinéma et le théâtre suédois ont perdu leur “étoile la plus brillante de tous les temps”. C’est même tout l’art universel qui a perdu l’un de ses plus grands représentants.

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