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          Alain Souchon, rédacteur en chef d’Evene

          Alain Souchon, rédacteur en chef d’Evene

          Il a 67 ans et pourtant il vient de publier « À Cause d’Elle » où il reprend les chansons de son enfance. Une manière, selon lui, de nous faire comprendre pourquoi et comment il est devenu ce chanteur français à la fois sensible, malicieux et engagé. Pour Evene, il a accepté de jouer le rédacteur en chef d’un jour.

          Pour la sortie d’À Cause d’Elles, son nouvel album très personnel, Alain Souchon donne ses interviews dans les salons chics de l’Hôtel Regina, dans le 1er arrondissement de Paris, juste à côté du Louvre. Il y a ses habitudes et se montre  amical,  au point de ne pouvoir s’empêcher de plaisanter, à l’affut de n’importe quel commentaire malicieux. Un grand enfant. Il est si à l’aise, capable de jouer de ses charmes sexagénaires pour entreprendre une serveuse passant à sa portée. Il plaisante, la prend comme modèle, lui triture les cheveux pour expliquer le bon usage du chignon. Voilà un peu l’énergumène qui, depuis 1974,  tient une place si particulière dans le paysage de la chanson française. Celle du chanteur discret et souriant. Un faiseur de tubes : « Allo, Maman Bobo », « Foule Sentimentale » ou « Le Baiser ». Car Alain Souchon est un orfèvre. Un grand artisan de la chanson,  un conteur qui, sans doute est-ce une raison de sa cote de popularité, puise ses histoires dans notre quotidien. Avec dans son ombre, jamais trop loin, son ami de toujours, Laurent Voulzy, pour poser la bonne mélodie pop, point final de la recette d’un succès qui ne s’est jamais démenti.

          Laurent Voulzy n’apparaît pas dans « À Cause d’Elles ». Il se fait de plus en plus rare à vos côtés ?

          C’est vrai mais dans l’album figure la chanson « J’ai 10 ans ». C’est notre première chanson composée ensemble. Et la première à avoir eu du succès. Donc, il est quand même sur ce disque. En fait, j’ai fait ce disque parce qu’il avait commencé à composer un album pour lui. J’avais donc du temps de libre avant que l’on ne puisse retravailler ensemble. Et puis, j’avais été très touché par une émission télé où l’on voyait des enfants frappés par le cancer, je me suis demandé ce que l’on pouvait faire pour les soulager. J’ai pensé leur rendre visite et venir chanter pour eux et finalement j’ai eu cette idée d’enregistrer les chansons que l’on me chantait quand j’étais enfant… Que me chantait ma maman, comme disait l’autre !

          Vous allez donc publier prochainement un disque où vous chanterez tous les deux, avec Laurent Voulzy ?

          Oui, on ne fait jamais un disque sans que l’autre n’y participe. Ce sera un album « spécial », on va les chanter ensemble.

          Pourquoi lui après tant d’années et pas un autre ?

          Pourquoi je prendrais quelqu’un d’autre ? On s’entend bien, on est comme deux frères. Il ne peut y avoir de Souchon sans Voulzy. Même moralement, c’est difficile. On a réussi dans ce métier parce qu’on s’est rencontrés. Je ne sais pas pour lui, mais moi, je n’aurais jamais eu du succès si je ne l’avais pas rencontré. On est liés d’une manière qui nous dépasse. Il est extrêmement cultivé et prolixe en musique pop, et moi c’est plus les paroles. On se complète très bien. Donc faire un disque ensemble, ça tombe sous le sens.

          Du coup avec ce nouvel album conçu sans lui, vous avez plus travaillé avec votre fils, Pierre.

          Oui, je travaille avec lui quand Laurent ne peut pas, mais pas seulement. Pierre a le chic de trouver des musiques qui restent dans la tête. Il a un vrai don. Donc quand il compose ses musiques, j’adore ça ! Mais cet album, c’est une parenthèse.

          Comment ça ?

          Au-delà de la lutte contre le cancer, j’ai fait ça pour m’amuser. Cela m’a fait plaisir de retrouver ces chansons d’enfance, mais je n’ai pas fait grand chose ! Je n’ai rien écrit alors c’était très facile, il n’y avait qu’à enregistrer ! D’ailleurs c’est très agréable et j’envie les gens qui sont justes chanteurs. On leur donne un texte et une musique et ils chantent. Je trouve ça super. (un large sourire se dessine sur son visage)

          Avec cet album, on retrouve finalement deux éléments qui vous définissent : l’engagement et l’enfance…

          Non, au début de ma carrière, j’ai trouvé amusant d’avoir un style un peu enfantin pour dire des choses pas forcément enfantines. Tout le monde s’est mis à penser que je n’allais faire que ça. Un jour, j’étais au Salon du Livre car il y avait un bouquin sur moi qui était sorti et je venais pour le signer. J’étais à côté de la Comtesse de Paris. On a commencé à discuter comme deux inconnus et puis je lui dis en rigolant : « vous ne savez pas qui je suis, je pourrais être un bandit… » Et elle m’a répondu : « non je sais, je vous êtes un chanteur pour enfants ! » Cela m’a embêté car je n’avais pas du tout envie d’être un chanteur pour enfants. Du coup, après ça, j’ai changé de style.

          Mais vous avez toujours gardé le regard malicieux dans vos textes ?

          Un regard un peu enfantin, un peu naïf, oui, bien sûr. Mais la chanson, c’est un art populaire. Il faut avoir un regard un peu naïf sur le monde et le traduire de manière un peu simple. La chanson, ce n’est pas intellectuel. C’est un truc du cœur. La poésie, c’est la poésie. La chanson ça doit être poétique, un petit peu philosophique, mais ce n’est ni de la philosophie, ni de la poésie. Être chanteur populaire, c’est très important, car chanteur abscons, ça fait chier…

          Populaire et engagé ? Votre œuvre est pleine de prises de positions mais on dirait que vous avez toujours réussi à vous débrouiller pour ne pas avoir l’air d’un chanteur militant…

          Oui c’est exactement ça. C’est ce que je voulais, depuis mes débuts. C’était l’époque de Téléphone, de Trust et tout ça. Je chantais des chansons où je voulais dire quelque chose d’un peu insolent, mais je ne voulais pas m’habiller comme eux ou faire du rock contestataire. Je voulais que ce soit plus insidieux. C’est pour ça que le langage enfantin était bien. (Il se met à chanter) « Elle me dit que j’pleure tout l’temps, que j’suis comme un tout p’tit enfant ». (Il fait un moue rebelle) « Jamais content, jamais content ! » C’était une voie plus difficile que de faire le rebelle directement, en douceur, sans que ça ne se voie trop.

          Un artiste doit s’engager selon vous ?

          Ah non, il fait ce qu’il veut. Prenez un artiste comme Sacha Distel, il a beaucoup amusé les gens, il plaisait beaucoup. Il chantait des chansons légères, des chansons d’amour, etc… Donc non, un artiste n’a pas besoin d’être engagé.
          Et Etienne Daho, on ne sait pas si c’est un militant de droite ou de gauche et on s’en fout, on ne pense pas à ça. On trouve que ses chansons et lui ont un charme fou. C’est le principal.

          © Thierry Rajic / FigureAlain Souchon, © Thierry Rajic / FigureDepuis vos débuts, vous trouvez toujours des choses contre lesquelles vous bagarrer ?

          Je trouve que le monde est mal fait depuis toujours, que les gens sont malheureux, que tout est vide… Il y a un vide énorme que je ressens, mais je n’arrive pas bien à dire quoi. Les marchés s’emballent et font n’importe quoi avec notre argent, les hommes politiques ne sont plus écoutés, on arrive au bout du système… On est dans une impasse. Je pense qu’il faut une révolution, mais une révolution ça veut dire des morts et j’ai horreur de la mort. C’est une position assez complexe…

          Vous vous sentez proches des mouvements d’Indignés ?

          J’aime bien les indignés. Ce vieux monsieur (Stéphane Hessel, ndlr), il n’a pas dit grand chose dans son livre, mais le mot « indigné », il est bien. Il flotte dans l’air en ce moment. Cela ne donnera pas grand chose je crois, mais c’est bien que ça existe.

          Vous avez l’impression de permettre aux gens de s’évader de ce quotidien avec vos chansons ?

          L’art et les artistes en général, le permettent, oui. Pas moi en particulier avec mes chansons. C’est quoi les artistes ? Dans les artistes, il y a Rembrandt et puis moi, ce n’est pas comparable. Mais, oui, la vie, ce sont des moments difficiles, alors heureusement il y a des artistes. Il y a par exemple les gens qui racontent des histoires drôles. Je trouve ça formidable de vouloir faire rire son prochain. De la même manière, chanter des chansons, peindre, c’est magnifique. Ce sont des pansements sur l’âme des gens.

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