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          INTERVIEW DE TUGDUAL DE DIEULEVEULT Sur les traces d’un père

          INTERVIEW DE TUGDUAL DE DIEULEVEULT

          Il y a vingt et un ans, Philippe de Dieuleveult, célèbre animateur de la non moins célèbre émission ‘La Chasse aux trésors’, disparaissait sur le fleuve Zaïre (aujourd’hui fleuve Congo). Dès lors, les thèses se sont multipliées : bavure militaire, noyade, assassinat ? Jeune journaliste, son fils a décidé de mener l’enquête. Son reportage est diffusé mercredi 13 décembre sur Canal +.

          Alors qu’il participait à un raid aventurier sur le fleuve Zaïre en 1985, Philippe de Dieuleveult et ses coéquipiers disparaissent. Seules les carcasses des deux rafts sont retrouvées. Après plusieurs enquêtes judiciaires menées, aucune véritable réponse n’a pu être apportée. Deux thèses semblent alors plausibles : la noyade ou la bavure. Aujourd’hui, le fils de Philippe de Dieuleveult, Tugdual, a voulu apporter des informations concrètes. Diplômé de journalisme, Tugdual réalise là son premier reportage. Rencontre…

          Réaliser un reportage sur la disparition de votre père, c’est une idée de longue date ?

          J’ai toujours eu envie de faire du journalisme, et je m’en suis donné les moyens en faisant une école. Ensuite, des personnes nous ont plusieurs fois sollicités pour faire un documentaire sur mon père et les conditions de sa disparition. A force, je me suis dit que j’étais finalement le mieux placer pour y parvenir. Car depuis toujours la famille a accès à beaucoup de documents, de photos et le dossier d’enquête menée à l’époque. Je me suis dit que ce serait une belle histoire à raconter.

          C’est pour lui ressembler que vous vous êtes tourné vers ce métier ?

          Pas pour lui ressembler mais effectivement inconsciemment ça doit jouer. Ce n’est sûrement pas par hasard que je suis attiré par ce milieu-là. Mais je ne pense réellement pas arriver au quart de ce qu’il a fait.

          Vous aviez 4 ans quand votre père à disparu. En décidant de réaliser cette enquête, vous n’aviez pas peur de réveiller de vieux démons ?

          Non pas du tout. Je suis parti en me disant qu’il fallait que j’oublie que je suis le “fils de”, mais que j’étais là en tant que journaliste. D’ailleurs, c’était le piège : être influencé par le côté sentimental. Mais je crois avoir bien réussi à éviter ce côté-là et à ne pas tomber dans le pathos. En plus, Lundi Investigation suit une certaine charte rédactionnelle. Par conséquent, il était impossible de faire quelque chose de mielleux. Et encore, je trouve que je suis trop souvent montré à l’image. Si ça ne tenait qu’à moi, on ne m’aurait pas vu à l’écran.

          Comment en êtes-vous venu à travailler avec Lundi Investigation ?

          En fait j’ai essayé de vendre mon projet à des boîtes de production, sans résultat. Alors je me suis tourné vers Christophe Hondelatte avec qui j’avais déjà travaillé auparavant (stagiaire sur RTL dans l’émission ‘Que dit la loi ?’) et qui était mon voisin de palier il y a une quinzaine d’années. Il a alors accepté à condition que sa boîte de production - Tarabillon - soit en coproduction avec 17 Juin Production. Puis il a contacté Canal + et j’ai été mis en relation avec Jérôme Pin. C’est avec lui que j’ai coréalisé le reportage, car je n’avais ni la prétention, ni l’expérience pour le faire seul. La collaboration s’est d’ailleurs très bien passée.

          Etre le “fils de”, ça aide dans le métier, non ?

          Oui, je ne peux pas le nier. Mais au moins on m’a pris au sérieux et j’ai pu réaliser ce projet qui me tenait à coeur. Sans compter que pour rencontrer les intervenants, les amis de mon père, et obtenir certains papiers utiles pour l’enquête, ça m’a bien aidé d’être son fils.

          Quelles réactions avez-vous eu face à ce que vous avez pu voir, entendre ou apprendre sur votre père ?

          Je savais déjà certaines choses auxquelles j’avais toujours eu accès. En fait mon travail consistait plus à démontrer qu’à découvrir les faits. Par exemple, l’appartenance suggérée de mon père à la DGSE était réelle et j’ai pu le prouver. Ensuite, effectivement, le fait d’aller sur place en Afrique, et de rencontrer des personnes, de leur parler directement, apprend toujours des choses. On finit par se faire une idée par soi-même.

          On y vient justement. Quelle thèse est selon vous, la plus probable : noyade ou bavure ?

          Honnêtement, je n’en sais rien. Quand on voit la violence du fleuve, on peut largement croire en cette thèse. Parallèlement, la seconde hypothèse, celle de la bavure, est également très probable compte tenu de la tension nationale à l’époque de sa disparition… C’est vraiment 50/50 pour moi. Alors c’est sûr qu’on peut faire plein de suppositions, mais nous sommes restés dans ce qui était démontré et je n’ai moi-même pas de réponse, ni même de thèse à fournir. Ça reste un très gros mystère.

          Comment votre famille a-t-elle réagi face au reportage ? On peut d’ailleurs y voir votre mère…

          Que ce soit bien clair : sans leur consentement, je n’aurais absolument rien entrepris. Mais mon frère, ma soeur et ma mère m’ont soutenu. Aujourd’hui, ils sont très contents du résultat, tout comme les témoins qui ont participé au reportage car ils ont estimé que leurs doutes, leurs états d’esprit étaient bien retranscrits.

          Combien de temps l’équipe de tournage est-elle restée en Afrique ? Avez-vous des regrets, des questions en suspens ?

          Nous y sommes allés 15 jours et c’est déjà bien. C’était une période un peu tendue car nous y sommes allés juste avant les élections. C’était donc difficile pour obtenir les accords, les laissez-passer, les autorisations… Ça nous a fait perdre beaucoup de temps mais c’est déjà bien.

          Vous êtes-vous senti menacé pendant votre voyage ?

          Non à aucun moment, vraiment. Même si l’ambiance parfois était tendue et que je remuais le passé.

          Dans le reportage, il est question d’un livre : ‘J’ai vu mourir Philippe de Dieuleveult’ écrit par Okito Bene-Bene. Il annonce que votre père est enterré dans un cimetière sous un faux nom. Vous vous rendez dans ce cimetière, mais il semble que vous passiez vite outre cette déclaration… ?

          Si nous avions vraiment voulu fouiller dans ce cimetière, il aurait fallu des pelleteuses, un vrai travail de titan, c’était impossible… Et puis la thèse de cet auteur peut facilement être démontée. A l’époque une enquête judiciaire avait démontré avec preuves à l’appui qu’un certain nombre de points du livre étaient totalement faux…

          Vous êtes aujourd’hui satisfait du résultat de votre reportage ?

          Très content oui. On a fait ce qu’il y avait à faire. On n’avance que des choses vraies et démontrées. Nous n’avons pas voulu entrer dans le sensationnel et étayer les différentes thèses. Et puis il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une enquête journalistique et non d’une enquête policière ! Nous n’avons rien occulté et retranscrit les points tels quels. Après chacun pense ce qu’il veut, mais nous n’avions pas suffisamment d’éléments pour aller plus loin.

          N’êtes-vous pas fâché, furieux face à ce manque de réponses ?

          Non pas du tout. Je ne réclame rien, des enquêtes judiciaires ont déjà été menées… Aussi c’est un film sans haine que j’ai voulu réaliser.

          Pourquoi n’est-ce pas votre voix qui commente le reportage ?

          Pour cela il aurait fallu que le commentaire soit écrit à la première personne pour que je sois crédible en voix off. Mais ce n’était pas dans la charte de l’émission. Et puis je suis très content que ce soit Christophe Hondelatte : je n’aurais jamais pu faire aussi bien de toute façon.

          Vos projets ?

          Rien de concret pour le moment mais je sais désormais que je veux continuer dans le journalisme. Maintenant que j’ai mis un pied dans la TV, pourquoi ne pas continuer dans cette voie, mais ce n’est pas une obligation…

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