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          LUDIVINE SAGNIER RÉDACTRICE EN CHEF D'EVENE «J'essaye de ne pas être à la mode»

          LUDIVINE SAGNIER RÉDACTRICE EN CHEF D'EVENE

          Elle a tourné pour Chabrol, Miller, Corneau, Ozon, Honoré et, depuis ses débuts, se distingue par ses choix et son refus des compromis. Ludivine Sagnier a accepté d'interpréter un nouveau rôle : celui de rédactrice en chef d'Evene.

          On l'a vue récemment chez son complice Christophe Honoré ('Les Bien-Aimés') qui, comme d'autres avant lui, a su exploiter son tempérament électrique et sa sensibilité. Ludivine Sagnier, depuis une dizaine d'années, mène une carrière cohérente qui l'a entraînée à fréquenter les cinéastes français les plus ambitieux : François Ozon ('Huit femmes', 'Swimming Pool'), Claude Chabrol ('La fille coupée en deux'), Claude Miller ('La petite Lili'), Alain Corneau ('Crime d'amour')… L'actrice a beau arpenter les plateaux depuis son enfance (premier rôle à 10 ans chez Pascal Thomas dans 'Les maris, les femmes, les amants'), rien chez elle ne rime avec opportunisme de starlette ou volonté forcenée d'occuper le terrain. « Tourner peu, mais tourner bien », telle pourrait être sa devise. Jusqu'au 1er novembre, Ludivine Sagnier ne sera d'ailleurs pas en tournage et elle s'en moque. Marraine de la 7ème édition de 'Mon 1er festival' (1), une manifestation entièrement dédiée au jeune public à partir de 2 ans (20 000 spectateurs l'an passé), l'actrice prend son rôle très à cœur et aime à penser que le cinéma et la pédagogie (sans ennui) ne sont pas incompatibles. À cette occasion, Evene a proposé à la comédienne de jouer les rédactrices en chef en répondant à une longue interview et en nous donnant ses coups de cœur dans tous les domaines de la culture.

          Pourquoi avoir accepté d'être la marraine de 'Mon 1er festival' ?

          J'aime m'investir dans les festivals. J'y ai souvent été jurée, entre autres à Deauville pour le festival du cinéma américain et celui consacré au cinéma asiatique. J'aime l'idée de fête autour du septième art. J'aime que le public puisse découvrir en avant-première des films inédits. C'est le cas de 'Mon 1er festival'. Le public a beau être constitué d'enfants, tout est conçu comme dans une vraie manifestation : un jury, un palmarès, des séances spéciales, des débats… Les enfants peuvent développer leur curiosité et leur sens critique. En tant que mère, ça me parle beaucoup.

          Emmenez-vous vos enfants au cinéma ? Les formez-vous en cinéphilie ?

          Absolument et je le revendique ! Ma petite, deux ans, se contente de DVD. Mais l'aînée, qui a six ans et demi, je la gave de cinéma ! La semaine dernière, je l'ai emmenée voir 'Zazie dans le métro', au Forum des Images, dans le cadre des 'goûters-débats'. Après les projections, on cherche à stimuler intellectuellement les gamins. L'idée étant de ne pas subir bêtement le déferlement d'images. Je n'ai pas peur de l'avouer : je suis un peu fasciste sur ce point.

          C'est-à-dire ?

          Par exemple, mes enfants n'ont pas accès à la télévision. Il est hors de question qu'ils tombent sur des pubs ! Le plus tard ils subiront la société de consommation le mieux ce sera…

          Eh bien, ça ne rigole pas chez vous ?

          Non, en effet (rires). Par contre, mes filles voient énormément de DVD, bien sûr sans avoir accès aux bandes annonces qui précèdent le film puisque c'est encore de la pub… De même, elles n'ont pas le droit de choisir n'importe quels films ! Par exemple, les productions Dreamworks sont prohibées. À la maison, on privilégie les studios Ghibli ou Pixar.

          Vous orientez donc leur goût.

          Oui. Je me méfie des robinets à images. C'est comme pour les films en 3D. Ma fille voulait tous aller les voir. Je lui ai expliqué que certains films étaient conçus comme la bouffe dans les fast-food : vite et mal. Et que, en conséquence, ils n'étaient pas bons pour la santé.

          Dans la programmation du festival, on trouve vos trois films coups de cœur. Quels sont-ils ?

          'Princes et Princesses', de Michel Ocelot. J'admire sa poésie et ses films parlent intimement aux enfants. Ensuite, 'Les demoiselles de Rochefort' de Jacques Demy, invariablement rebaptisé par ma fille 'Les demoiselles de Roquefort'. Ce n'est pas un film pour enfants, mais sa musique, son aspect ludique et son univers coloré peuvent entraîner les petits à découvrir l'univers de ce cinéaste essentiel. Enfin, 'Le Magicien d'Oz', un film qui m'a profondément marquée quand j'étais gamine.

          Quand vous étiez enfant, vos parents vous incitaient-il à découvrir des films ?

          Oui. On peut dire que j'ai été éduquée dans la cinéphilie. On me l'a transmise et je tente de la transmettre à mon tour. Le film culte, chez moi, c'était 'La vie est belle', de Capra. Il y avait aussi un penchant très prononcé pour Hitchcock. 'Les 39 marches', découvert à huit ans, m'a précocement enchantée et terrorisée. Le truc du faux coupable, récurrent chez Hitchcock, m'a impressionnée pour la vie. Le paroxysme de la terreur !

          Ces films ont-ils déterminé votre vocation ?

          Non. Je ne voulais pas être actrice quand j'étais petite. Ils m'ont par contre incitée à être curieuse.

          Vous avez pourtant commencé à tourner très jeune ?

          Oui, mais un peu par hasard. Pour moi, le cinéma était une sorte de hobby qui me permettait d'échapper au piano. Mes parents me poussaient vers la musique, le solfège et je trouvais ça terriblement astreignant. Jouer, c'était plus simple. Mais la vocation, si on peut l'appeler ainsi, est venue plus tard, vers 16 ans. Je me suis aperçue à ce moment-là qu'il y avait une nécessité en moi. Il me fallait choisir entre le théâtre et les études. Et la réponse s'est imposée d'elle-même. Beaucoup de mes consoeurs racontent qu'elles ont rêvé de devenir comédiennes en découvrant à la télévision la montée des marches du festival de Cannes. Ce n'était pas mon cas.

          L'admiration pour certaines actrices a-t-elle été importante dans cette prise de conscience ?

          Probablement. Comme tout le monde, j'admirais Romy Schneider, Catherine Deneuve. D'autres comédiennes m'ont accompagnée de façon plus intime : Arletty ou Liv Ullman. J'aimais aussi Nathalie Wood et Elizabeth Taylor : des nanas, si j'ose dire, qui jouaient la carte de la performance. Dans un tout autre genre, Gena Rowlands a également été fondamentale. Dans son cas, c'est ce que l'on devine de sa personnalité et de ses fêlures qui me touche au plus haut point.

          On vient de vous voir dans 'Les Biens-aimés', de Christophe Honoré, mais vous êtes rare ces temps-ci au cinéma. Pourquoi ?

          J'ai tendance à être assez exigeante et à ne faire que ce qui me plaît… Je ne cherche pas le rendement. J'aime prendre mon temps, me nourrir. Sur les plateaux de tournage, on n'a pas le temps de lire ni d'aller au cinéma. Et puis, ma vie personnelle m'occupe. Ça tombe bien : je l'aime.

          Vous refusez donc beaucoup de propositions ?

          Je refuse, oui… Souvent les scripts sont trop prévisibles et répondent à des schémas qui ne m'intéressent pas. Et puis, j'arrive à un âge charnière (Ludivine Sagnier a 32 ans, ndlr). Je ne veux plus incarner les ados attardées et je n'ai pas encore l'âge de jouer les femmes de 40 ans. Peut-être que, dans ma génération, les rôles ne sont pas si nombreux. Mais ce n'est pas grave : j'en profite pour développer d'autres projets.

          Par exemple ?

          L'écriture de scénario. Rédiger une trame, imaginer des personnages, retranscrire des émotions sur le papier : ce travail-là me passionne. Par contre, je ne me vois pas du tout mettre en scène : je ne suis pas une faiseuse d'images. Donc voilà : je fais plein de choses, pas forcément visibles… Et ne pas enchaîner les tournages ne m'inquiète pas. Le cinéma est cyclique, assujetti aux modes. Or j'essaye justement de ne pas être une actrice à la mode. Ce qui m'intéresse, c'est d'être là pour longtemps.

          Vous avez tourné avec Claude Chabrol, François Ozon, Alain Corneau, Claude Miller ... Le cinéma d'auteur semble résolument être votre voie ?

          Il n'y a aucune stratégie délibérée. Simplement, ce sont eux qui m'ont proposé les projets les plus stimulants.

          En fait, vous êtes comme Jeanne Moreau, vous préférez collectionner les films de grands metteurs en scène plutôt que les jolies robes ?

          Oui. Mais on peut réussir dans plusieurs domaines. À ce titre, je trouve que Marion Cotillard est un bon exemple. Elle fait des choix pointus dans la catégorie auteur comme dans la catégorie cinéma commercial. Après, chacun sa carrière, son rythme et son ambition. Moi, je mène ma vie et j'en suis très contente.

          (1) Programme complet de 'Mon Premier Festival' et liste des salles sur

           

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