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          Thierry Ardisson : « Je suis un O.S. de la télé »

          Thierry Ardisson : « Je suis un O.S. de la télé »

          Après avoir réuni les meilleures séquences de ces émissions sur le Service Public, Thierry Ardisson revient en images sur ses années « Paris Première ». Trois DVD pour trois émissions dont deux, « 93, Faubourg Saint-Honoré » et « Paris Dernière », sont toujours à l’antenne. Interview.

          Il les appelle des « Émissions impossibles ». Non parce qu’elles sont  impossibles à faire aujourd’hui - « Paris Dernière » et « 93, Faubourg Saint-Honoré » existent encore - mais parce que Thierry Ardisson a compilé ses plateaux ou listes d’invités idéals, soit les meilleures séquences de ses années Paris Première réunies dans un coffret collector. Aux deux programmes susnommés, il faut ajouter les extraits de « Rive Droite/Rive Gauche » (RDRG), émission que l’animateur lançait traditionnellement comme « le seul quotidien de la culture ». Trois DVD en forme de boîte à souvenir : que l’on songe aux périples en voiture en mode accéléré, aux reprises musicales dégotées par Béatrice Ardisson, à ces visites improbables dans l’antre de Maîtresse Françoise ou dans une usine de poupées gonflables… On peut aussi (re)découvrir cette interview « martienne » avec Yves Adrien, celle avec un Jean Yanne au regard désespéré (dans RDRG). Et puis, bien entendu, il y a ce sourire de Tristane Banon qui explique sa mésaventure avec l’ancien patron du FMI. Une séquence de « 93, Faubourg Saint-Honoré » dont on a beaucoup parlé ces derniers mois. Pourquoi un tel travail de mémoire ? Par simple mégalomanie ? « L’homme qui a inventé la télé, de la télécommande au tube cathodique » (selon la formule de Michaël Youn) assume son envie de laisser une trace et évoque le petit écran aujourd’hui, son nouveau métier de producteur ciné et, bientôt, celui de réalisateur.

          Pourquoi avoir voulu réunir vos émissions de Paris Première dans un coffret ?

          M6 InteractionsLes Années Paris Première, M6 InteractionsParce que la télévision est un art très éphémère. Quand vous écrivez, il reste un livre. Quand vous tournez un film, il reste le DVD. Alors que la télévision, ça s’évapore. Pour certains programmes, ce n’est d’ailleurs pas grave que cela se volatilise. Mais moi, quand je fais une émission, je l’écris, je la tourne, je la monte comme si c’était une fiction. Je fais du flux comme du stock. Il y a cinq ou six ans, j’ai donc éprouvé le besoin de laisser une trace de ce travail. Personnellement, je suis toujours content de revoir des émissions de l’ORTF, Denise Glaser ou Pierre Dumayet . Avec l’Ina, on a donc décidé en 2009 de faire un site dédié à mon travail. Huit mille interviews en tout ! L’année suivante, l’Ina m’a proposé l’idée de « La Boite Noire de l’Homme en Noir » avec « Lunettes Noires », « Double Jeu », « Tout le monde en parle » : toutes mes émissions du Service Public, plus « Bains de Minuit », plus « Paris Dernière » qui était mal traitée... Quand j’ai retrouvé les K7 manquantes, je suis allé voir Nicolas de Tavernost (M6). On s’est mis d’accord pour revenir sur les années Paris Première (« Rive Droite / Rive Gauche », « Paris Dernière », « 93, Faubourg Saint-Honoré …). Cela tombait bien, la chaine fête ses 25 ans ! Maintenant, je suis très content, j’ai deux coffrets sur ma cheminée !

          N’êtes-vous pas nostalgique d’une période qui a été faste pour vous ?

          Je ne suis pas tellement nostalgique de l’époque. Je me souviens surtout d’excellents moments. « Paris Dernière » avait un côté l’aventure est au bout de la rue. Sur « Rive Droite / Rive Gauche », je conserve de très bons souvenirs avec Philippe Tesson, Elisabeth Quint, Frédéric Beigbeder ou Patrice Carmouze. On se retrouvait dans une petite maison à La Garenne-Colombes pour tourner ! Nous formions une vraie bande.

          Sur « Rive Droite / Rive Gauche » par exemple quand vous interrogiez Benny Levy ou Yves Adrien, il y avait une liberté de ton qui n’existe  plus aujourd’hui…

          Je ne sais pas. Ce n’est pas impossible non plus aujourd’hui de retrouver cette liberté. Cela dépend des gens qui font les émissions. Elisabeth Tchoungui (« Avant-premières » sur France 2) pourrait inviter ce genre de personnages. Après, la culture à la télé, c’est un éternel débat… Ce que je sais, c’est que sur des chaînes comme France 2, il faut enrober la culture avec beaucoup de rubans et de plumes pour la vendre. Sur Paris Première, cette contrainte d’audience n’existe pas.

          Quel est le format que vous avez préféré des trois ?

          Thierry ArdissonC’est « Paris Dernière », incontestablement. Si j’étais vraiment riche, si je pouvais vivre de mes rentes, c’est ce que je ferai. Avec une telle émission, on fait ce qu’on veut, on sort de chez soi, on peut parler avec un homme qui promène son chien, on peut avoir rendez-vous avec un académicien ou un travelo à Pigalle, c’est vraiment l’aventure. En même temps, je n’ai jamais arrêté d’émission avec regrets. Je pense que si l’on avait prolongé « Tout le monde en parle », cela aurait baissé. C’est toujours bien de mourir en pleine gloire. Comme James Dean. C’est plus chic.

          Cela ne vous a rien fait lorsque Guillaume Durand a repris « 93, Faubourg Saint-Honoré » ?

          Rien du tout... Guillaume, il fait le « Dîner » à sa façon... En même temps, ma réaction n’est pas juste quand je vous dis cela. Il faut être mégalo pour faire ce métier, sinon on ne se donne pas tout ce mal. Et si on est mégalo, on préfère ce qu’on fait !

          D’où vous est venue l’idée de Paris Dernière ?

          En général, je réponds : « dans ma baignoire en fumant un pétard ». Mais je ne sais plus. Vous savez, j’ai commencé dans la pub. Mon boulot cela a toujours été de trouver des idées. Que ce soit des spots, des annonces, des émissions de télé, des journaux, des bouquins, ou des films maintenant.

          Le slogan de RDRG, c’était « le seul quotidien de la culture ». Après la fin de la version quotidienne de l’émission « Ce soir ou jamais » de Taddéi, le concept n’existe pas vraiment, mis à part sur France 5 avec l’émission de Laurent Goumarre, « Entrée Libre »…

          La vraie question, c’est la spectacularisation de la culture. Qu’est ce que je fais de la culture pour la rendre sexy et attirante pour le public ? Quand je faisais « Tout le monde en parle », il y avait certes Houellebecq, Bret Easton-Ellis ou Tom Wolfe, mais avant il y avait une bimbo, et après, un acteur. Tout est une question de mise en scène. Un quotidien de la culture, cela s’entendrait si c’était quelque chose d’accessible, de bien emballé. On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre.

          Ce savoir-faire s’est perdu selon vous aujourd’hui à la télé ?

          Oui, ce savoir-faire a disparu à la télévision. Et pas seulement chez les producteurs, mais aussi chez les gens qui dirigent les chaines. J’imagine que si j’étais brodeur, je dirais la même chose. Mais c’est vrai qu’aujourd’hui les émissions sont assez froides. Elles manquent d’âme. Les animateurs font cela comme un travail. Aujourd’hui, à part les chaines info, les chaines musicales, et quelques docus, j’ai vraiment du mal avec la télé. Mais je n’ai pas envie de me laisser abattre par cela, de devenir un vieux réactionnaire.

          Guillaume Durand parle d’une « culture moisie » à la télé…

          Salut Les TerriensThierry Ardisson, Salut Les TerriensC’est vrai que la télé, si elle ne fait pas d’efforts, est en train de prendre un coup de vieux. Un retard dangereux vis-à-vis du web. Avant, on installait les concepts en troisième partie de soirée pour voir si la sauce pouvait prendre. J’ai commencé comme cela avec « Bains de Minuit » et « Lunettes Noires ». Après, on m’a dit, tu peux avancer en deuxième partie, c’était « Double Jeu ». Aujourd’hui, si l’on demande de l’argent pour faire une troisième partie de soirée afin de faire découvrir des talents, les chaines nous disent que ce n’est pas possible financièrement. Pourtant, Elisabeth Tchoungi, devant ses mauvais résultats, on l’a faite glisser en troisième partie de soirée. Ce qui fait à la sortie, une troisième partie de soirée à 180 000 euros par semaine !
          Il faudrait que les chaines retrouvent un esprit laboratoire. Un talent, cela se développe. Moi-même, j’ai mis des années avant de devenir pas trop mauvais à la télé. Quand j’ai commencé en 1970, la pub était un métier délirant, avec des gens géniaux. Et puis, d’un coup, c’est devenu aseptisé, ils nous ont rangés dans des immeubles en périphérie de Paris. C’est ce qui est arrivé à la télé. On n’est plus jamais dans le domaine du désir ou de l’émotion.

          La TNT aurait pu jouer ce rôle de laboratoire…

          Sauf que la TNT, c’est comme la FM. Au début, il y avait quelques stations vraiment sympas. On s’est dit que cela allait être super. Au bout de trois ans, c’était devenu un robinet à merde. La TNT c’est pareil. Leur grand fait d’arme c’est de prendre des reportages de TF1 ou M6 et de les reboutiquer. Ou de faire des émissions de télé-réalité avec des gens à poil qui pètent en direct. La TNT n’a pas amélioré le niveau de la télé. Pas plus que la FM n’a amélioré le niveau de la radio.

          Et si demain Canal + vous donnait la responsabilité des programmes de Direct 8, vous acceptez ?

          Ils ne me la donneront pas. S’ils me demandaient de travailler dessus, je ferai ce que me dit Rodolphe Belmer (directeur général adjoint de Canal +) qui est l’un des rares à avoir encore une vision dans ce boulot. S’il voulait vraiment me faire un cadeau, ce serait de me demander de travailler sur la chaine musicale Direct Star. J’étais disquaire quand j’avais 16 ans et j’adore la musique. Un de mes grands regrets dans la vie, c’est de ne pas avoir fait une émission musicale avec des vieux clips. J’inviterais Manœuvre, Jérôme Soligny, Daniel Darc, on jouerait les papys-boomers du Rock.

          On vous a beaucoup reproché la méthode Ardisson, notamment de couper les répliques de vos invités au montage, de les instrumentaliser en quelque sorte…

          C’est l’inverse, j’ai rendu service à mes invités en les rendant intéressants ! J’ai fait à la télévision ce que l’on fait dans la presse depuis toujours. Souvent, il y a des tunnels qui sont chiants ! Moi je n’aurais pas gardé les gens réveillés jusqu’à deux heures du mat’ le samedi soir sur France 2, si cela n’avait pas été monté !

          Vous voulez dire que c’est le problème que rencontre aujourd’hui Laurent Ruquier dans « On n’est pas couché ».

          Ce n’est pas lui qui monte ses émissions. Moi, je n’aurais pas pu ne pas contrôler ce que je dis. Ceci étant, je ne sais pas combien d’années de ma vie j’ai passé devant un banc de montage !

          Il y a quelques années, vous étiez devenu persona non grata à la télé…

          J’ai été souvent agressé dans la presse. Parfois, à raison. En même temps, j’ai toujours assez honnêtement reconnu mes erreurs. Thierry Meyssan, notamment. J’aurais dû prendre plus de précautions oratoires. Mais quelles qu’aient été les critiques, j’ai fait le dos rond et j’ai continué mon travail.

          Dans la compilation « Faubourg Saint-Honoré », avez-vous hésité à mettre la séquence Tristane Banon ?

          Moi, non. M6, oui ! Le type de M6 Vidéo, je veux dire. Faire un coffret sans Tristane Banon, c’est comme si tu ne mettais pas le tube dans un album ! Pour en finir avec l’Affaire DSK, je crois que c’est mieux d’avoir découvert cette histoire en 2004 chez Ardisson, qu’en 2012 à l’Elysée !

          Vous avez monté une boîte de production en 2005, « Ardimages » pour faire des séries et du cinéma. Là, vous commencez avec un film, « Max », dans lequel on va retrouver JoeyStarr, Mathilde Seigner et Jean-Pierre Marielle...

          Salut Les TerriensThierry Ardisson, Salut Les TerriensPour moi, c’était la fin du parcours. J’ai commencé dans la pub à 19 ans. J’ai écris des bouquins, fait des articles, créé un titre de presse, « Entrevue », inventé quelques concepts à la télé. Et maintenant, le cinéma. Je suis le seul mec qui commence le cinéma à 59 ans. ! Ma devise : « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ». Je suis content car j’ai deux films prévus en 2012. Un « Max », que je coproduis avec Lisa Azuelos et Julie Madon, dont le tournage va débuter en janvier, avec JoeyStarr, Mathilde Seigner et Jean-Pierre Marielle. Stéphanie Murat le réalise. Et un deuxième que l’on espère tourner en mai. Il a été écrit par Danièle Thompson, Christopher Thompson et Thierry Klifa. Il aura pour cadre le Festival de Cannes et sera réalisé par Christopher Thompson. Et puis, il y en aura un autre sur la télé, intitulé « Talk Show » que je vais réaliser. Mon ambition, c’est de produire des films. C’est la cerise sur le gâteau de ma vie.

          Quelles archives télé allez-vous compiler demain ?

          Mes émissions ratées. En même temps, je vous rassure, ce sera un petit DVD. On ne va pas taper le coffret ! Mais c’est vrai qu’il y a des émissions insensées, des séquences d’Ardimat qui sont cultes ! Mais à la limite, je le ferai juste comme ça, pour l’offrir à mes potes à Noël !

          Et allez-vous lancer de nouveaux formats en télé ?

          Je discute avec France Télévision. J’espère que sur Direct 8, il y aura du travail. Sur Direct Star aussi, je ne demande pas mieux que de bosser. Vous savez, je suis un O.S. de la télé !

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