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          Youssou N’Dour : " Je crois en mes capacités de diriger le Sénégal"

          Youssou N’Dour : " Je crois en mes capacités de diriger le Sénégal"

          Le 2 janvier dernier, le chanteur Youssou N’Dour, 52 ans, a annoncé, sur sa propre chaîne de télévision, TFM (Télé Futurs Médias) sa volonté de se présenter aux élections présidentielles sénégalaises, le 26 février prochain. Star internationale et homme d’affaire averti (il possède dans son pays un studio d’enregistrement, un label, une discothèque et un groupe de presse n˚1 du paysage médiatique), le roi du Mbalax pense être l’homme providentiel, susceptible d’amener au peuple sénégalais un changement politique salvateur.

          Pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans l’aventure présidentielle ?

          © Sébastien Soriano/ Le FigaroYoussou N'Dour, © Sébastien Soriano/ Le FigaroPlusieurs motifs ont impulsé cette décision. Depuis 35 ans de carrière, je n’ai cessé d’évoquer les problèmes rencontrés par mon pays, de me poser en porte-parole de mon peuple... Pourtant, j’ai l’impression de n’avoir jamais été écouté par les élites. L’an passé, en 2010, j’ai par ailleurs fondé le mouvement citoyen Fekke Ma Ci Bollé (« Je suis là, donc j’en fais partie » en wolof). Dès sa genèse, la population se l’est approprié. Par son biais, une multitude de personnes m’ont écrit, rencontré, parlé, pour me livrer ce message clair : vous êtes la personne qu’il nous faut ! Au début, je souhaitais me ranger derrière un candidat, mais la puissance d’une demande forte m’a amené à réfléchir plus avant. Après concertation avec mes proches dans le courant des mois de novembre et décembre, j’ai pensé que je pouvais moi-même amener ce renouveau politique tant attendu par le Sénégal, et offrir au pays mon expertise sur les plans social, local et international. En effet, si je n’ai pas, à proprement parler, d’expérience politique, j’ai aiguisé, depuis de longues années, une conscience politique pertinente. Comme chanteur, mon tube Set (« Propre »), dans les années 1990, ainsi inspiré tous les jeunes qui voulaient nettoyer le pays. J’ai chanté contre les déchets toxiques, en faveur des paysans... Bref, je me suis engagé ! Enfin, en tant qu’observateur avisé de la scène politique sénégalaise, je ne peux que m’insurger contre un gouvernementqui fausse le jeu démocratique et se joue de la Constitution. Je veux incarner une vraie rupture. Pour toutes ces raisons, j’ai décidé de me porter candidat à l’élection présidentielle.


          Dans votre discours diffusé sur votre chaîne de télévision TFM (Télé Futurs Médias), vous parlez au sujet de votre candidature d’un véritable « don de soi »...

          Oui, parce que tout ce que je suis devenu vient du peuple sénégalais. La population a toujours accompagné ma musique, mes projets... Récemment encore, lorsque le vieux Wade (Abdoulaye Wade, le président actuel, ndlr) s’opposait à ce que mon groupe de presse, Futurs Médias, acquiert sa chaîne de télévision, des millions de personne ont signé une pétition pour me soutenir ! Je souhaite, aujourd’hui, renvoyer la balle à mon peuple : ma candidature suscite beaucoup d’espoir.

          Votre mouvement, Fekke Ma Ci Bollé, constitue la première pierre d’un engagement politique explicite... Sur quels constats l’avez-vous fondé en 2010 ?

          Comme nos dirigeants actuels usent mal des deniers publics et ne respectent pas les règles, j’ai senti de plus en plus l’émergence de deux Sénégal. Naturellement, je me suis rangé du côté des défavorisés. Fekke Ma Ci Bollé, « Je suis là, donc j’en fais partie », signifie que je suis « témoin », et que je dois, en conséquence, participer à l’amélioration des conditions de vie. J’ai donc annoncé la création de mon mouvement depuis Paris. Très vite, dans mon pays, des dizaines de milliers de personnes ont adhéré, pris leur carte de membre... Un véritable engouement populaire !

          Vous semblez particulièrement indigné par les agissements du gouvernement actuel. Est-ce là, selon vous, l’un des problèmes majeur de votre pays ?

          © Sébastien Soriano/ Le FigaroYoussou N'Dour, © Sébastien Soriano/ Le FigaroCeux qui gèrent la République du Sénégal semblent dramatiquement oublier le sens des priorités. Je vous donne un exemple : « il » (le Président Wade, ndlr) se réveille un beau matin, et décide de construire une statue (le Monument de la Renaissance Africaine à Dakar, ndlr). Son coût ? 15 milliards de Francs CFA !!! Alors qu’au même moment, des gens dans les villages n’ont pas l’eau potable ! Autre aberration ? Le FESMAN (Festival Mondial des Arts Nègres) en 2010. Montant de la facture ? 70 milliards de Francs CFA, pour un événement de qualité, certes, mais qui n’a pas rempli ses objectifs : il n’a pas eu l’impact international escompté, tandis qu’au Sénégal, on a déjà complètement oublié cette manifestation coûteuse... Il y a donc un gouffre entre les priorités du gouvernement et celles de la population. Mais surtout, le vrai danger provient des « tripotages » constants d’Abdoulaye Wade sur la Constitution : il n’a pas le droit de se présenter une troisième fois, et est en train de pratiquer le forcing pour avoir cette possibilité. Il faut désormais qu’il parte se reposer : il ne peut pas confisquer le pouvoir ad vitam aeternam... d’autant que certaines rumeurs assurent qu’il désire céder le pouvoir à son fils. On nage en plein surréalisme ! Où donc est passée la démocratie ? Je pense qu’au Sénégal, il peut désormais y avoir, à tout moment, une crise politique, économique ou sociale. Les signaux penchent dangereusement vers le rouge.

          Quels seraient alors les priorités de votre mandat, si vous êtes élu ?

          Je souhaite, tout d’abord, incarner le « disso », c’est-à-dire la « concertation » avant les décisions : je ferai travailler l’administration et les professionnels concernés, qui se chargeront de donner corps à mon calendrier d’actions. Ma première réalisation sera de réduire le train de vie du Gouvernement et des Institutions. L’argent ainsi économisé financera les secteurs prioritaires que sont la santé, l’éducation, l’agriculture... Et puis, je souhaite que l’Etat fonctionne dans un cadre professionnel : la bonne personne à la bonne place ! La gouvernance « juste », dans une lutte incessante contre la corruption, sera notre credo. Je veux remettre les organes de contrôle indépendants en état de marche. Aujourd’hui, ils existent, mais restent complètement asservis au gouvernement. Je souhaite montrer à l’International le visage d’un pays respectable, honnête, avec qui il est désormais possible de négocier...

          Certains de vos détracteurs pensent que vous n’avez pas l’expérience nécessaire à l’exercice d’une fonction présidentielle...

          Je n'ai certes pas d’expérience politique, mais je crois savoir ce qui est bon. Si on a les mains propres, si on est de bonne foi, si on respecte la Constitution, si on donne une véritable indépendance à la justice, si on met en place des organes de contrôle... je pense qu’il n’y a aucun problème pour gérer ce pays. C’est une question d’honnêteté, et une question de respecter sa parole : je respecterai la mienne. Ici, tout le monde connaît ma méthode de réussite : je place la personne qu’il faut à la place qu’il faut. Pour attester de mes compétences ? J’ai quand même fondé au Sénégal un groupe de presse n˚1 des médias.

          Pensez-vous, comme vous l’avez affirmé dans votre discours, être élu dès le premier tour ?

          Oui, mais... Les élections aujourd’hui sont organisées par le camp de Wade. Le Ministère de l’Intérieur contrôle les gouverneurs, qui eux-mêmes supervisent les élections au niveau des régions. Le Service des Elections reste trop affilié au gouvernement. Bref, il y a une sorte d’atmosphère globale qui laisse redouter une fraude massive ! Et comme les sondages sont interdits au Sénégal, finalement je ne sais pas si je vais gagner. En tout cas, ma candidature suscite l’intérêt des médias mondiaux, et je souhaite vivement que la communauté internationale avise le gouvernement sénégalais, sur la bonne tenue de ces élections... Qu’elle dise à Wade qu’il n’a pas le droit de se présenter, qu’il laisse enfin le pays, et qu’il organise des élections libres et transparentes ! Je me bats aussi pour ça !

          Avez-vous quelques craintes dans votre for intérieur ?

          Absolument pas ! Je crois sincèrement avoir les capacités de diriger le pays, et je m’y prépare déjà. Rien que cette semaine, 75 « intellectuels » et cadres, issus de l’administration et du privé, sont venus me dire : nous sommes avec toi ! Je n’ai pas à avoir peur personnellement parce que j’ai l’équipe qu’il faut ! Si je deviens président, je me mettrais à danser de joie : la joie que ce pays change pour de bon, et dans le bon sens...

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