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          LES ECHECS Jeu de rois, roi des jeux

          LES ECHECS

          Vingt-cinq ans après leur premier combat pour le titre mondial, Gary Kasparov et Anatoly Karpov, figures mythiques des échecs, se sont affrontés en septembre dernier - avantage Kasparov. En attendant la revanche qui, après avoir été annoncée pour le mois de décembre, a été repoussée à avril 2010, plongée dans le plus vénérable des jeux, aussi exigeant que respecté, aussi accessible que mystérieux.

          Sur le grand échiquier, deux armées se font face, muettes. La grande bataille est sur le point d'être engagée. D'un côté, les blancs, de l'autre, les noirs. Valeurs contraires qui se toisent. Manichéisme fondateur. L'ordre parfait des choses, retenu, laissera bientôt la place au tumulte. Et dans l'absolu silence du jeu, un énième roi tombera. Le vainqueur dira : "Echecs et mat". Al-shah-mat. "Le roi est mort", en arabe.

          A armes égales

          Je suis un pion. Un pion noir. La plus petite des pièces. Je suis le soldat, placé en première ligne. Je dois avancer, toujours, de case en case. Aucun retour en arrière ne m'est permis. Nous sommes huit, côte à côte, inébranlables, livrés ainsi aux mains des hommes, aux luttes de pouvoir. Chair à canon ? Pièces sans grande valeur, le sacrifice nous connaît. Derrière nous, quatre couples, autrement plus remarquables, attendent d'entrer en scène : deux tours, solidement campées, avides de perspectives et de lignes droites ; deux cavaliers vaillants, passés maîtres dans l'art du saut d'obstacle ; deux fous, bouffons ivres de diagonales. Enfin, dominateur et hiératique, le couple royal : la dame, pièce redoutable entre toutes, et le roi, centre des attentions, à protéger coûte que coûte des assauts ennemis. Avec élégance, Jacques Delille écrivait, en 1800, dans 'L'Homme des champs ou les Géorgiques françaises' : "Sur des carrés égaux, différens de couleur, / Combattant sans danger, mais non pas sans chaleur, / Par cent détours savans conduit à la victoire, / Ses bataillons d'ébène et ses soldats d'ivoire."

          Des fantassins aux pions

          Les échecs. La guerre faite jeu. Stratégie combinatoire. Les origines du conflit sont obscures, comme perdues dans la nuit des temps. Les textes anciens évoquent le chaturanga à deux joueurs, jeu indien vieux de mille cinq cents ans, transmis aux Perses pour devenir le chatrang. Fantassins, chars, éléphants, chevaux, rois, vizirs : les pièces, à cette époque, n'ont pas tout à fait le même visage. Les règles ne sont pas tout à fait les mêmes. Adopté par les Arabes, passe-temps favori des califes de Bagdad, le "jeu des rois" se diffuse dans le monde au rythme de l'expansion musulmane. En Asie, il dérivera en shogi (échecs japonais) et xiangqi (échecs chinois). L'Espagne mauresque, dit-on, lui sert de porte d'entrée en Europe au XVe siècle. Des centaines de milliers d'affrontements plus tard, c'est la Renaissance qui en fixe définitivement les règles. Les échecs modernes sont nés. Me voilà prisonnier du jeu de réflexion le plus populaire au monde.

          Sur le grand échiquier du monde

          "Gens una sumus" ("Nous sommes une seule famille") : le slogan de la fédération internationale, créée en 1924, prétend unifier les foules. Désormais, on décerne des titres, on organise des championnats officiels et des olympiades. De grands noms à consonance soviétique émergent : Alekhine (1927-1935), Botvinnik (1948-1957, 1961-1963), Spassky (1969-1972), Karpov (1975-1985, 1993-1999), Kasparov (1985-1993)... En 1972, en pleine guerre froide, tous les regards sont tournés vers la finale mondiale, qui oppose l'Américain d'origine Bobby Fischer au russe Boris Spassky. Les empires se font face. L'avenir du monde est joué sur un plateau. Mon plateau. Fischer gagne. Triomphe. Et disparaît. En marge de la grande scène, le jeu est inscrit au programme des écoles publiques - d'abord à l'Est, où il est un véritable outil de propagande, puis dans quelques pays occidentaux. Affaire d'hommes, l'élite échiquéenne s'ouvre aux femmes sous l'impulsion des soeurs Polgár, qui atteignent les plus hauts niveaux. Démocratisation ? Bientôt, jeunes et moins jeunes, des jardins publics aux tournois fédérés, des salons aux cours de récréation, s'affrontent, religieusement. Les règles sont précises. Les mines inspirées, absorbées, à la façon du 'Schachspieler' du peintre Willi Neubert (1920), du 'Two men playing chess' d'Alan Boileau ou du 'Chess Jester' de Joanne Taylor (1952) ?

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