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          LES DESSOUS D'UN MONOPOLE Quand L'Equipe la joue perso

          LES DESSOUS D'UN MONOPOLE

          Arrivée d'Internet, poussée des gratuits… C'est devenu un poncif, la presse quotidienne nationale va mal : ses ventes ont encore chuté de 3,03 % en 2008. Pour contrer cette désaffection du lectorat, certains titres adoptent une nouvelle formule, d'autres augmentent leur prix ou développent leurs abonnements. L'Equipe, elle, s'efforce par tous les moyens de conserver son monopole sur la presse quotidienne sportive. Quitte à mettre le fair-play de côté…

          La dernière fois que L'Equipe avait dû affronter un concurrent, c'était en 1987, date de la première parution du quotidien Le Sport. Las, l'expérience n'avait pas été prolongée au-delà de quelques mois et, dès 1988, le mastodonte des éditions Amaury (également propriétaires de France Football et Le Parisien) était à nouveau privé d'adversaire. Depuis, à force de régner sans partage sur l'information sportive, L'Equipe, dont les 320.000 lecteurs en font le troisième quotidien français le plus vendu (1), est devenu une véritable institution, un monarque absolu. Un roi fainéant ?

          Un pouvoir en hausse…

          La Gazzetta dello Sport, Tuttosport et Le Corriere dello Sport en Italie ; A Bola, O Jogo et Record au Portugal ; As, Marca, Superdeporte, El Mundo Deportivo ou Sport en Espagne (parmi d'autres encore, la presse y étant régionalisée). En France ? L'Equipe, c'est tout. Notre pays est un des seuls, en Europe, où un seul titre s'accapare le marché des quotidiens sportifs. Avec une conséquence évidente : un parfait quadrillage du terrain de l'information. La moindre émission de télé ou de radio désirant s'attacher le concours d'"experts" fait appel à des signatures du journal : Régis Testelin ou Vincent Duluc sont par exemple des habitués de l'émission '100% Foot' (M6). Ses consultants servent à tout le monde, tel Pierre Menès, un ancien de la maison devenu "la" voix du foot dans 'Aujourd'hui Sport', sur RTL, M6 et désormais Canal+, quand il n'interviewe pas ses ex-collègues sur son blog. Il n'est pas un commentateur dont les propos ne portent traces de statistiques ou de réactions piochées dans l'édition du jour. Enfin, puisqu'il lui faut occuper tout l'espace médiatique, L'Equipe se décline en chaîne de télé (LequipeTV existe depuis 1998) et webradio (RTL-Lequipe a été lancée fin 2007). Bref, son autorité est celle d'une agence de presse. Un journaliste doit multiplier ses sources ? Un mordu de sport, en France, n'en a qu'une seule.

          (c) Sport24Une du site Sport24, (c) Sport24Avec ses dizaines d'adresses dédiées au sport (

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          …), Internet ne pourrait-il pas constituer une alternative ? Hélas, montés à peu de frais, avec des effectifs réduits, ces sites n'ont ni les moyens financiers et logistiques, ni la reconnaissance suffisante pour dénicher leurs propres informations (les sportifs eux-mêmes acceptant plus naturellement de répondre à L'Equipe). Leur faible niveau rédactionnel - les fautes d'orthographe et autres coquilles y sont récurrentes - abîme leur crédit. Bâtis avec des stagiaires ou de maigres CDD, leurs conditions de travail s'apparentent parfois à de la pure exploitation (on a vu des pigistes payés 100 euros par mois, pour plusieurs dizaines de milliers de signes), conditions que seuls de jeunes rédacteurs désireux de se lancer dans le métier, voire de véritables amateurs, peuvent accepter. L'immédiateté du Net (prédominance des brèves), son opacité (parfois non signées), sa malléabilité (écrites de chez soi) a produit une nouvelle espèce de journalistes, pour qui la passion du sport, seule, légitime le travail d'écriture. Un manque de professionnalisme qui conduit la plupart de ces sites à ne proposer, là encore, qu'un copié-collé de

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          …mais un produit en baisse

          "Monopole" étant synonyme de "droit à l'erreur", c'est la qualité même de L'Equipe que son statut de cavalier seul a fini par affaiblir. Ses fausses informations, somme toute compréhensibles en période de transferts, quoique récurrentes (annoncé "tout près du PSG" en octobre dernier, l'entraîneur Didier Deschamps a finalement signé début mai… à l'OM, ce que le quotidien, cette fois, n'avait pas vu venir), ne sont jamais suivies de la moindre autocritique. Comparé aux nouveaux médias sportifs (le magazine So Foot, le site

          …) ou à son propre site Internet, fort de quelques rubriques décalées, le ton du journal souffre d'un classicisme vieillot, son traitement de l'information, d'un parti pris institutionnel derrière lequel transparaissent parfois les connivences entre journalistes et acteurs du monde sportif. En effet, le groupe Amaury étant également organisateur de la plupart des grandes compétitions sportives (Tour de France, Paris-Dakar…), difficile pour la rédaction de L'Equipe d'approfondir leurs enquêtes sans risquer de tirer une balle dans le pied de la maison-mère. Pour l'édition 2009 du Tour de France, la direction du groupe aurait même ordonné à ses journalistes de "vendre" la compétition sans plus évoquer le dopage, dont ils avaient mis à jour les principaux scandales depuis 1998. Ainsi, la dernière "affaire Armstrong", lorsque celui-ci, en mars, s'est absenté durant vingt minutes au cours d'un contrôle inopiné, n'a donné lieu qu'à quelques brèves dans le journal, quand elle aurait justifié la une quelques années auparavant.

          Enfin, son grand format incommode. Sa pagination et son contenu sont nettement plus réduits que ceux de ses équivalents européens comme As, La Gazzetta ou les trois quotidiens portugais (68 pages chacun). Pourtant, seule sur le marché, L'Equipe peut se permettre d'augmenter son prix : ses différentes éditions ont subi, le 2 mars 2009, une hausse de 10 cents, pour atteindre 95 cents en semaine, 1,10 euro les dimanches et lundis, et 2 euros le samedi, le lecteur étant forcé d'acheter, ce jour-là, en plus du quotidien, L'Equipe Magazine.

          (1) 319.795 acheteurs par jour en moyenne en 2008, selon les statistiques de l'OJD. Seuls Le Parisien/Aujourd'hui en France et Le Figaro font mieux.

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