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          POPEYE DANS LE DOMAINE PUBLIC Jetez l'encre

          POPEYE DANS LE DOMAINE PUBLIC

          2009 rime avec Popeye (en fait non, mais dans l'idée…). Libre de droits depuis le 1er janvier dernier, le célèbre "épinarophage" vient également de fêter ses 80 ans. Huit décennies - ou presque - de coups, de jurons et d'absurdes entreprises…

          C'est le 17 janvier 1929 que E.C. Segar a donné naissance à Popeye. (1) Et c'est en 1938 qu'il est mort. Soixante-dix ans plus tard, comme le veut la loi, sa créature, qui génère presque 2 milliards d'euros de recette chaque année, est tombée dans le domaine public. S'il vient à certains l'idée de reprendre les aventures du marin (et de rester en Europe, la durée du copyright s'étalant, aux Etats-Unis, jusqu'en 2023), voici quelques conseils indispensables, éclairés par Florence Cestac, fondatrice des éditions Futuropolis et traductrice officielle de la langue popeyenne. (2)

          Dessinez-le bien (donc mal…)

          (c) DR'Le Dictapateur' de Segar, (c) DRPopeye serait-il la première figure populaire cubiste ? On serait tenté de le croire à la vue de ce menton fendu comme une fesse, de cette hypertrophie des avant-bras ou de cette bouche décentrée (dont on retrouve la trace chez tous les personnages de Florence Cestac). Les plus fins observateurs auront d'ailleurs noté que la pipe du marin dépasse toujours de l'autre côté - l'aurait-il plantée dans l'oreille ? Et puis, bien sûr, Popeye est borgne. "Il n'apparaît jamais qu'en égyptien", fait remarquer la dessinatrice : difficile en effet de représenter de face un visage aussi asymétrique. C'est tout le génie de Segar et de ses premiers successeurs, comme Bill Zaboly, d'avoir insufflé autant de vie à un personnage bloqué sur la même expression bougonne. Parce qu'ils n'avaient sans doute pas le même talent, certains animateurs de cartoons produits dans les années 1960 ont osé montrer Popeye les deux yeux grands ouverts. Une hérésie, quand on sait que c'est justement à cet oeil poché ("pop eye") qu'il doit son nom !

          Rendez-lui sa brutalité !

          (c) DRPopeye vs Bluto, (c) DRPopeye n'est pas un antihéros. Contrairement à Donald, capable d'actions négatives, lui n'utilise ses poings que pour la bonne cause. Sous ses airs bourrus se cache même un coeur d'or : dans un épisode de 1960, 'Popeye's Testimonial Dinner', on le voit consoler son éternel rival Bluto ! Le mangeur d'épinards n'en est pas moins crétin, massacrant ses ennemis autant que la langue anglaise. "Il casse la gueule et après il réfléchit", résume Florence Cestac. Cette indocilité est la clé de son succès. Dommage qu'au fil des décennies, elle ait été gommée. Dans les années 1930 déjà, ses éditeurs avaient exigé de Segar qu'il adoucisse sa créature. Le dessinateur se vengera en l'affublant, dès 1936, de Poopdeck Pappy, un père encore plus "ours", capable de frapper les femmes ! Autour de 1970, au nom de la sacro-sainte protection du jeune public, les studios Hanna-Barbera dompteront 'Tom et Jerry', puis confieront à l'éternel fumeur de pipe une rubrique santé ! Le docker est devenu marin d'eau douce pour de bon avec la série 'Popeye et fils' (1987), qui bannissait toute violence, Popeye et Bluto étant désormais amis. Florence Cestac s'insurge : "Ce n'est plus Popeye !"

          Mettez-y une touche d'absurde

          (c) DRRobin Williams dans 'Popeye', (c) DROutre sa violence (même Mimosa, le bébé, a commis quelques passages à tabac), le principal ingrédient comique de la série consiste, selon Florence Cestac, en des scénarios qui n'ont "ni queue ni tête". Popeye peut ainsi, en quelques cases, se lancer dans un projet aussi improbable que la construction de "l'Arche de Popeye" (1933). Le degré d'absurdité est encore plus élevé dans la filmographie du marin, parsemée de mises en abyme. 'It's the Natural Thing to do' (1939) débute par un courrier de son fan club réclamant l'arrêt des hostilités entre lui et Bluto. La lettre, montrée à l'écran tout au long de sa lecture, se conclut par : "Maintenant, reprenez l'image." 'Cartoons Ain't Human' montre une aventure du héros… écrite en direct par lui-même. Enfin, dans 'How Green is my Spinach' (1950), sa boîte d'épinards lui est lancée par un spectateur. Loin de l'illusoire personnification des héros de fiction traditionnels, ces sabordages ironiques donnent à 'Popeye' une distance aussi drôle qu'adulte.

          Faites une place à Olive

          (c) DR'Thimble Theater' de Segar, (c) DRA l'origine, Popeye est un second rôle. La série 'Thimble Theater' de Segar existait en effet depuis 1919 ; Olive Oyl, son compagnon Ham Gravy et son frère Castor en étaient les héros. Ce n'est que dix ans plus tard, lorsque ce dernier cherche quelqu'un pour conduire sa barque, que la rencontre avec Popeye a lieu : "Hey, vous ! Etes-vous marin ?", demande Castor. Réponse de l'intéressé : "J'ai l'air d'un cow-boy ?" Une star est née. Et avec elle, une amoureuse tout aussi célèbre, Olive, qui plaque Ham sur le champ. Olive ? "C'est une mocheté totale", rigole Florence Cestac. "Elle est anorexique et mal habillée. Mais les gens s'y reconnaissent plus facilement." Côté habits, les choses empireront lorsque les dessins animés des années 1980 lui feront porter survêtement et bandeau dignes de Véronique ou Davina. Mais Olive, c'est aussi une femme de caractère, qu'on voit parfois prendre sa propre ration d'épinards et se battre. Si Popeye est l'ébauche "prolo" du gentil Superman, sa petite amie offre quant à elle un contrepoids rustique à une autre star ayant partagé ses aventures avec le marin, la pulpeuse Betty Boop.

          (1) A lire pour tout savoir du personnage, 'Popeye le marin' de Fred Grandinetti (lui-même fondateur du fan club international de Popeye). La carrière du marin y est traitée de façon très complète.
          (2) Pour les rééditions BD chez Futuropolis ou la VF du film 'Popeye' de 1980.

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