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          PORTRAIT DE GIANNI VERSACE A la vie, à la mode

          PORTRAIT DE GIANNI VERSACE

          Il y a dix ans, au faîte de sa renommée, Gianni Versace était abattu de deux balles dans la tête sur le perron de sa villa de Miami. Retour sur le fabuleux destin d’un couturier de génie, dont le style a profondément marqué l'univers de la mode.

          D’une ville ensoleillée du sud de l’Italie aux podiums des plus grandes métropoles internationales il n’y avait qu’un pas pour un artiste de sa trempe, et il l’a franchi les yeux fermés. A la croisée de l’anticonformisme et de la tradition, ce prince de la mode s’est composé un univers merveilleux de sensualité et de grâce, flirtant aussi bien avec l’élégance austère qu’avec la séduction dévergondée ou l’excentricité chic. Styliste insatiable, grand amoureux des femmes - il considérait sa soeur Donatella comme une véritable muse - et du corps en général, il a su créer un empire qui lui a survécu. Une passion indestructible saupoudrée de détermination et rehaussée d’une bonne dose de virtuosité, telle a été la recette de Gianni Versace

          Prédestiné ?

          L’histoire d’amour qui lie Gianni Versace à la mode débute dès sa plus tendre enfance, alors que, comme dans un joli film, il joue au milieu des coupons de tissus de l’atelier de confection que dirige sa mère. Déjà passionné, le jeune homme s’abreuve de tendances dans les plus grandes capitales de la création - Londres, Paris - puis s’installe à Milan, où il devient styliste indépendant. Déterminé, il ouvre sa propre maison de couture en 1978 et fait de sa passion une affaire de famille : son frère Santo en assure la direction générale, et sa soeur Donatella en est la directrice artistique. La réussite est aussi intense que fulgurante. Les boutiques fleurissent à travers le monde. Gianni Versace s’illustre sur tous les fronts. Ses lignes féminines et masculines allient subtilement l’élégance à la tendance, avec juste ce qu’il faut d’originalité. Il exploite allègrement le filon de l’accessoire, avec un penchant affirmé pour les lunettes, aux montures toujours plus fantaisistes, sans oublier les chaussures, sacs à main, bijoux, foulards, montres, portefeuilles, cosmétiques et autres objets de décoration d’intérieur, d’ameublement… Gianni Versace nourrit aussi un penchant tout particulier pour les fragrances. Son premier parfum, sobrement baptisé ‘Gianni Versace Femme’ (1981), donne le ton et appuie l’audace sur des valeurs traditionnelles, à l’image de ses collections. En 1992, il présente sa première ligne de haute couture à Paris, confectionnée à l’Atelier Versace, et s’impose définitivement parmi les plus grandes figures du monde de la mode.

          Coup de griffe

          Formes, matières, couleurs… : en styliste inspiré et consciencieux, Gianni Versace s’attache à chaque détail d’une création. Il se plaît à oser les associations inédites et à renouveler les tendances et inscrit ses collections dans un esprit résolument contemporain. C’est ce qui le conduit à être nommé "designer le plus créatif et innovateur du monde" en 1988 par le jury des Cutty Sark Awards, qui récompense la création masculine. Des distinctions, il en recevra d’ailleurs bon nombre tout au long de sa carrière, et notamment celle de commandeur de la République italienne ou l’Oscar américain de la mode. Son travail est exposé dans les plus grandes villes du monde à partir de 1986, date de sa première rétrospective au National Field Museum de Chicago : Paris ('Gianni Versace : Obiettivo Moda’) Milan et Kobe (‘L’Abito per pensare’) Londres (‘Versace Teatro’) Munich (‘Theater der Mode’) ou New York (‘Versace : Signatures’). Ces expositions mettent en perspective la dimension sociale de son oeuvre, l’importance de son travail sur le costume ou encore ses collaborations avec des artistes d’horizons divers - photographes, plasticiens… Il n’hésite d’ailleurs pas à s’investir en parrainant d’autres initiatives, comme celles de Richard Avedon et Bruce Weber au Palais royal de Milan ou l’exposition ‘Haute couture’ au Metropolitan Museum de New York. En 1996, il s’associe même à Roy Lichtenstein pour participer à la première édition de la Biennale de Florence, sur le thème du temps et de la mode.

          Adepte du contraste, Gianni Versace mêle à la fois les matériaux - étoffes, plastique, métaux… - et les styles, acoquinant sans vergogne l’indécence au puritanisme ou le classicisme à l’extravagance pour un résultat détonnant mais le plus souvent époustouflant. Si sa griffe évoque le glamour et le luxe, il s’est fait un point d’honneur à imaginer aussi des tenues pouvant être portées au quotidien, et non pas uniquement réservées à l’élite et aux grands événements. Dans cette optique, il a développé des collections parallèles comme Instante, Versus - dessinée par sa soeur Donatella depuis 1993 - ou encore Versace Jeans Couture, aux lignes plus accessibles… mais aux prix relativement affolants !

          La mode en mouvement

          Mordu de mode, Gianni Versace l’était tout autant de spectacle vivant. Dès les premières esquisses, il imagine ses créations en mouvement. A partir de 1982, et pour son plus grand plaisir, il peut unir ses deux passions par le biais d’une alliance avec une institution des plus prestigieuses : la Scala de Milan. Il habille alors les danseurs de ‘Josephlegende’, un ballet de Richard Strauss. Danse, théâtre, opéra, le couturier multiplie les projets et travaille avec d’illustres chorégraphes et metteurs en scène. On peut par exemple citer ‘Don Pasquale’ de Gaetano Donizetti, ‘Salomé’ ou ‘Doktor Faust’ par Bob Wilson, ‘Capriccio’ de Richard Strauss - en ouverture de la saison théâtrale 1990 de l’Opéra de San Francisco - ‘How Near Heaven’ de Twyla Tharp pour l’American Ballet Theater ou des pièces de Roland Petit et William Forsythe… Gianni Versace ne se contente pas de dessiner les costumes et s’intéresse également aux décors.
          Sa rencontre la plus fructueuse, il la fera en 1984 avec Maurice Béjart. De ‘Dyonisos’ à ‘Barocco - Bel Canto’, en passant par ‘Le presbytère n’a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat’, ‘Chaka Zulu’ - inspiré par Léopold Sédar Senghor et donné à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française - ou ‘Nuits blanches de la danse’, elle aboutit sur près de douze ans de collaboration artistique et d’amitié. En 1989, Paris diffuse ‘Le Bonheur de l’amitié’, un film qui salue leur relation privilégiée.
          En 1992, c’est Elton John qui l’incite à s’essayer à un nouvel exercice en lui demandant de confectionner les costumes de sa tournée mondiale, travail récompensé trois ans plus tard par un VIH Fashion and Music Award.
          En véritable touche-à-tout, Gianni Versace s’est par ailleurs investi dans la lutte contre le sida et a publié un ouvrage en deux parties, ‘Versace Teatro’, retour sur sa singularité.

          Hommage

          Il y avait du génie dans l’esprit comme dans la plume de Gianni Versace, cela ne fait aucun doute. Milan, capitale de la mode à l’italienne, a donc tenu a lui rendre un bel hommage. Pour l’occasion, qui de mieux placé que son ami Maurice Béjart pour imaginer un ballet en deux temps, ‘Grazzie Gianni con amore’, donné à la Scala ? Le premier acte est une création inédite pour laquelle les danseurs sont vêtus de tenues originales signées Donatella Versace, tandis que le second se compose d’un florilège des oeuvres du chorégraphe dont Gianni Versace avait dessiné les costumes. La ville s’est également parée de modèles et croquis du couturier, éparpillés au hasard des rues afin d’être vus de tous - en attendant l’exposition événement ‘Miti, dei e eroi secondo Versace’ qui se tiendra durant la Fashion Week de septembre - et projette de donner son nom à un espace public ainsi qu’à une bourse d’études. De nombreux témoignages de reconnaissance donc, pour l’un des symboles de la mode à l’italienne.

          Versace sonne à notre esprit comme un empire prospère dont les collections continuent de s’afficher sur la scène internationale. La société, gérée de main de maître par la famille du couturier, devrait même prochainement faire son entrée en bourse.
          Comme pour toutes les légendes, il pèse sur la mémoire de Gianni Versace certaines zones d’ombre. Ainsi, sa biographie non autorisée, ‘Undressed : The Life and Times of Gianni Versace’ (‘Nu, la vie secrète de Versace’) a été interdite de publication aux Etats-Unis, puis en France. Elle révélerait des liens étroits entre le couturier et la mafia, bien que ceux-ci n’aient jamais été avérés. Un élément troublant qui, au lien d’entacher sa réputation vient, par un heureux effet de contraste, souligner sa réussite.

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