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          Raphaël Sorin : « Avec Droit de réponse, Michel Polac a créé un monstre »

          Raphaël Sorin : « Avec Droit de réponse, Michel Polac a créé un monstre »

          Raphaël Sorin a bien connu pas mal de monde. Notamment Michel Polac, du temps où celui-ci l’invitait à 'Droit de réponse'. L’éditeur de Bukowski, Houellebecq et du prochain Dantec se souvient de sa participation à cette émission culte des années 1980 où l’on avait le droit de dire tout, n’importe quoi, n'importe comment.

          « Avec Polac, ça avait commencé par une petite chamaillerie : il s'était entiché d'un personnage douteux, l'ethnologue colombien Carlos Castaneda. Celui-ci avait publié en 1972, L'Herbe et la Petite Fumée, le récit de son initiation par Don Juan, un "sorcier" Yaqui. Un de mes amis, ethnologue, Jacques Meunier, m'avait mis en garde ; cela sentait l'arnaque. Je m'empressais de mettre en cause le message bidon du livre (le même Castaneda en écrivit trois autres par la suite), d'où une jolie polémique avec Michel. Curieusement, ce différend l'incita à m'inviter plus tard à "Droit de réponse", l'émission choc de la première chaîne, pas encore privatisée en 1981.

          Rambaud, Weyergans, Adler et moi

          J'assistais de chez moi à la première où l'on frisa la catastrophe. L’émission lui échappa complètement, il ne maîtrisait rien. Et en même temps, ce grand bordel, dû notamment à Choron, venu pour foutre la merde ce soir-là, assura immédiatement à l’émission une réputation suflureuse. Elle fut, jusqu'à son terme, un frèle esquif, toujours au bord du naufrage. Polac, en fine mouche, savait mettre assez d'huile sur le feu mais pas jusqu'à provoquer une explosion définitive. Le concept était très vague, l’idée était de réunir des gens d’avis divergents et de les filmer en train de fumer, boire et s’engueuler. Michel a créé un monstre malgré lui. L’émission était en direct et c’est la première fois qu’était utilisée la « paluche », une petite caméra très maniable, grande comme un micro, qui donnait beaucoup de liberté au réalisateur Maurice Dugowson. Et il lui en fallait parce que chacun prenait la parole sans qu’on la lui donne. Avec Patrick Rambaud, François Weyergans et Laure Adler, j’étais l’un des invités réguliers pour parler de littérature. Grâce à Polac, j’ai pu défendre des auteurs presque inconnus, à peine lus, comme Ludwig Hohl, et de flinguer en direct quelques prétentieux. Et je suis devenu une petite star dans mon quartier, j’étais une vedette de la tévé. Mon coiffeur me reconnaisait, mon charcutier me félicitait. Jusqu’à ce que Bouygues, entretemps devenu propriétaire de TF1, arrête l’émission en 1987, furieux à cause d’une phrase de Cabu, illustrée par Wiaz à l’antenne : « Une maison de maçon, un pont de maçon, une télé de m... ». J’ai retrouvé Michel pour « Libre et change » en 1988 sur M6, une émission dont le principe était un peu le même que « Droit de réponse », mais la direction de la chaîne l’a arrêtée au bout de deux ans.

          Écrivain en vain

          Sous ses airs de polémiste virulent, Michel était un vrai lecteur, avec ses partis pris, ses engouements. Nous eûmes une deuxième querelle à propos de Michel Houllebecq. Il avait salué son premier livre puis, le succès venant, s'était mis à le dénigrer. Je pensais le contraire et le lui fit savoir, assez vertement… Il souffrait d'avoir moins réussi lui-même comme écrivain et comme cinéaste. Pourtant, il avait une plume - j’ai réédité un de ses livres, Maman, pourquoi m’as-tu laissé tomber de ton ventre ? (1969), chez Flammarion. Sa célébrité d’homme de télévision, dont il n'ignorait pas le côté éphémère, avait fini par lui peser. Je fus de l'une de ses dernières tentatives de retour en scène. Il n'y croyait plus, à juste titre et ses dernières années où je le croisais parfois, ne furent pas heureuses. Il s'était éloigné de Paris sans chercher à se survivre avec des honneurs de seconde main. »

          Michel Polac en 1982 dans Droit de réponse avec Siné, Gainsbourg et Renaud :


           Michel Polac manque de se prendre un verre dans la figure dans Droit de réponse :

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