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          LA RENTREE SCOLAIRE Une rentrée sans avenir

          LA RENTREE SCOLAIRE

          La rentrée scolaire a commencé lundi pour les enseignants, suivie ce mardi 4 septembre de celle des élèves. Entre conflits idéologiques et baisse des effectifs, le problème de fond, concernant une vision plus globale de l’éducation, ne va-t-il pas encore pâtir des luttes partisanes infructueuses ?

          Après la reprise des parlementaires et des enseignants, les petits bouts et les adolescents (12 millions d’élèves) prennent le chemin de l’école ce mardi 4 septembre.
          Une rentrée scolaire loin d’être aussi tranquille pour les parents d’élèves et le gouvernement : rapport accablant du Haut Conseil de l’éducation (HCE), suppression de 11.200 postes d’enseignants principalement dans le secondaire, augmentation du coût de la rentrée pour le budget des familles, fragilité des mesures concrètes pour la prise en charge des jeunes handicapés, expulsions des sans-papiers scolarisés, fracture idéologique entre une éthique revendiquée par les syndicats d’enseignants et l’engagement au pragmatisme et à l’efficacité du président Sarkozy
          Mais face à autant de problématiques n’a-t-on pas évincé une nouvelle fois la question essentielle, celle d’un projet effectif pour l’avenir des nouvelles générations ?

          Des problèmes énormes

          Les parents ne s’y trompent pas, loin de la théorie, des statistiques et des chiffres abstraits, la rentrée scolaire s’accommode de moins en moins avec le budget de la famille modeste. Le sentiment d’un pouvoir d’achat de plus en plus bas, la mise en avant des articles de marque pour séduire les enfants, l’amplification des besoins de fournitures, n’arrangent rien. Cette année, le coût de la rentrée s’élève à environ 206,88 euros pour un élève de sixième avec une augmentation de 2,06 % par rapport à 2006. Malgré une allocation de rentrée scolaire à 272,57 euros pour les revenus modestes ayant des enfants entre 6 et 18 ans (environs 2,8 millions de familles), le portefeuille semble faire grise mine. Sans parler des baisses de postes d’enseignants prévus dans le budget 2008 par le principe du non-remplacement des départs à la retraite. 80 % des postes concernent le second degré, 1.500 suppressions au nom de la diminution du nombre d’élèves dans les lycées et les collèges, 1.700 au nom de la “rationalisation” des professeurs remplaçants et des enseignants en surnombre. L’enseignement privé sera également amputé de 1.400 postes.
          A contrario, le primaire et la maternelle verront leur effectif augmenter de 750 personnes. Ensemble de mesures proposées officiellement par le gouvernement afin de mieux répartir les fonctionnaires en fonction des conditions démocratiques.

          Apaiser pour dialoguer

          “J’entends dire que je suis trop gentil avec les syndicats… Eh bien ça va continuer !” s’est exclamé le ministre de l’Education nationale Xavier Darcos, en réponse aux critiques émanant de son propre camp. Méthode en porte-à-faux de celles de Luc Ferry ou de Claude Allègre, qui a pour avantage d’entretenir une entente cordiale et constructive avec les syndicats et d’espérer le prolongement du dialogue social. Pourtant, les faits semblent moins apaisants. Les suppressions de postes vont avoir lieu, la mesure concernant la baisse des prix d’un certain nombre de fournitures scolaires est arrivée bien tard - une semaine avant la rentrée des classes -, la question des conditions de travail des enseignants n’a pratiquement pas été évoquée et le rapport critique de HCE n’a rien arrangé. De plus, comment le locataire de la rue de Grenelle va-t-il gérer le tiraillement entre son appartenance à une majorité au projet politique orienté et les exigences éthiques des syndicats et partenaires sociaux ?

          De l’éthique à l’efficacité

          Car la réalité des mesures importantes semble plus en corrélation avec les problèmes de la réforme de l’Etat et des déficits de la dette que déterminées par un projet réel pour l’Education nationale. Si de nombreuses mesures sont apparues comme des réponses immédiates à certains problèmes concrets, aucune vision globale n’apparaît à l’horizon. Par exemple, la réforme des universités semble rivée à une autonomisation sans consistance tangible. Le postulat de l’efficacité a l’avantage de l’impulsivité mais il reste un phénomène réactif sans véritable contenu et démuni d’effets à long terme. Faire reposer une politique sur le pragmatisme ou l’efficacité revient à traiter des effets en ignorant les causes. D’autant plus que le dossier concernant l’éducation implique des thématiques extrêmement sensibles et complexes : des inégalités aux discriminations, du contenu des cours à la méthode d’enseignement, en passant par une vision soignée de l’individu. La réaction soucieuse des enseignants semble alors se justifier face à une glorification de la valeur travail aux dépens d’une vision plus humaniste de l’école basée sur l’accès à une culture générale essentielle à l’épanouissement intellectuel, à l’émancipation.

          Réactionnaire ?

          Nombreux sont les intellectuels qui s’engagent pour un remaniement du modèle d’éducation. Exaltant les vertus de la culture classique, du “par coeur”, d’un élitisme pour tous, de la transmission, de l’autorité légitime du professeur ; refusant le nivellement vers le bas, le relativisme culturel, la soumission de l’école au diktat des volontés des élèves, ils sont très rapidement accusés de nostalgie archaïque ou traités froidement de réactionnaires. De Hannah Arendt dont Finkielkraut tire les meilleurs leçons à Cécile Ladjali affiliée à George Steiner, pour ne citer qu’eux, ces écrivains, philosophes, professeurs ont probablement la capacité à poser les questions essentielles dont les gouvernements ne pourront faire éternellement l’économie. Comme le notait si justement Alain Renaut : “Les intellectuels sont cependant trop éloignés du monde, dit-on, pour contribuer à son amélioration. A quoi l’on pourrait répondre, qu’encore faudrait-il aussi, pour espérer améliorer le réel, que les politiques ne soient pas à ce point éloignés du monde de l’esprit.” (1)
          Est-il réactionnaire ou excessif de considérer la rencontre avec le livre comme une main tendue vers l’autre ? Est-il réactionnaire ou élitiste de revendiquer l’imprescriptibilité de la culture classique (“Qu’est-ce qu’un classique ? Une oeuvre que l’on a jamais fini d’interroger” (2)), de l’importance des mots et de la formulation ? “Nommer une chose, c’est la transformer” (3), nous disait Sartre. Est-il alors réactionnaire de vouloir célébrer les qualités prédominantes de l’écriture et de la lecture pour tous, indépendamment des conditions sociales ?

          Ce questionnement, en apparence théorique, s’inscrit dans un ensemble très concret de réformes : la situation des enseignants, la prise en charge des jeunes handicapés en milieu scolaire, la lutte contre la précarité et les discriminations, la crise des banlieues, etc. Cet ensemble devrait être analysé, pensé longuement, dans le cadre d’un dialogue social fait de réflexions, de rencontres et de débats. Peut-être serait-il judicieux d’interroger, initialement, les personnes les plus concernées, à qui le ministre de l’Education nationale propose de “travailler plus pour gagner plus” : les enseignants. Le comité chargé d’organiser la grande concertation sur la revalorisation du métier d’enseignant sous la direction de l’ancien Premier ministre Michel Rocard apparaît alors comme une première étape encourageante, si l’on ignore les conflits politiques.
          En définitive, entreprendre une transformation du système éducatif consisterait à poser les bases solides d’un engagement humaniste et à décider de la condition future des individus. Pas de compenser au jour le jour. Car, que veut-on à long terme ? Produire des individus aptes au travail en entreprise et tributaires des caprices de l’économie ou former des êtres autonomes aptes à se mouvoir aisément dans le réel ?

          (1) Alain Renaut, ‘Egalité et discriminations’, p.12, éd. Seuil, 2007
          (2) Cécile Ladjali,
          ‘Mauvaise langue ?’, p.27, éd. Seuil, 2007
          (3) Jean-Paul Sartre,
          ‘La Responsabilité de l’écrivain’, p.17, éd. Verdier

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