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          LA RENTREE TELE Du neuf un peu usé !

          LA RENTREE TELE

          Après une grille d’été assez morose, on pouvait espérer, à l’écoute des patrons de chaînes, une rentrée pleine d’originalité et de surprises. Malheureusement, entre le foisonnement des séries américaines et les “nouveaux” divertissements, l’année devant son écran risque d’être longue, très longue…

          Le ton monte…

          Fait incontestable : la rentrée télé 2007 a été extrêmement animée en ce qui concerne le rapport de force entre les chaînes du service public et TF1. La preuve par des conférences de presse plutôt vives et agressives. “Média de référence” selon Nonce Paolini, nouveau patron de TF1, sa chaîne peut se glorifier d’une audience record et rire de la carence en “programmes forts et exclusifs” des concurrents. A contrario, Patrick de Carolis a revendiqué la qualité aux dépens de l’audimat et des gains financiers et n’a pas hésité à affirmer la spécificité des engagements du service public contre ceux qui ont “choisi l’autoroute de la facilité”. D’après lui, “s’il n’y avait pas France télévisions, où seraient les émissions culturelles, les débats de société, la musique, les sagas patrimoniales ?” Pour terminer par un audacieux : “France télévisions est d’utilité publique et sociale.” On aurait ainsi une affirmation de la scission entre la télévision privée, mercantile, et le service public, “humaniste”. Si les programmes étaient à la mesure des gonflements de poitrine et des vanités, le Paf aurait belle allure. Malheureusement, c’est loin d’être le cas.

          Les maillons faibles

          Toutes les rentrées télé ont leur lot de ruptures et de désistements. Et cette année semble particulièrement bouleversante pour ces animateurs évincés, ces émissions supprimées, que l’on regrettera… ou pas.
          La liste est longue : Stéphane Bern arrête ‘L’Arène de France’ alors que Pascal Sevran est officiellement en attente d’un projet pour 2008 ; très médiatique, l’éviction de Laurence Boccolini et du ‘Maillon faible’ ou de Flavie Flament avec ‘Vis ma vie’ pour TF1 ; on regrettera plus sincèrement la fin de ‘En aparté’ présenté par Pascale Clark sur Canal + au profit d’une nouvelle émission, ‘L’Edition spéciale’, présentée par Samuel Etienne et de nombreux chroniqueurs tels Ariel Wizman et Nicolas Domenach. Pascale Clark reviendra le samedi midi avec ‘Un café et l’addition’ où elle se penchera plus attentivement sur l’actualité de la semaine. Beigbeder a enfin compris qu’il n’avait pas sa place à la télé et quitte l’équipe du ‘Grand Journal’. France 5 a gagné la palme du ménage cathodique avec la suppression de ‘Arrêt sur images’, ‘Etats généraux’, ‘Ubik’, ‘Mondes et merveilles’, etc. Quant au septième art, il perd encore un peu plus de terrain avec la fin de ‘Grand écran’ sur M6 et de ‘Jour de fête’ présenté par Isabelle Giordano.

          Les éléphants du Paf

          Autant d’adieux pour si peu de nouveautés. On change un titre et on simule l’originalité. Exemple : vous prenez un Ruquier, vous l’entourez de chroniqueurs comme Gérard Miller et Bénichou, et vous appelez l’émission ‘On n’a pas tout dit’. Une vague similitude avec ‘On a tout essayé’ ? Ainsi, on retrouvera l’immuable Drucker à la même place avec la même émission, Cauet aura le droit à une quotidienne avec la ‘Cauetidienne’, Fogiel persévère et surtout ‘Sacrée soirée’ fait son come-back avec Jean-Pierre Foucault. Quand la continuité devient nostalgie…
          Plus désespérant encore, M6 a repris le concept ‘Pop Star’ avec un jury aussi original qu’inattendu - Mia Frye et Ophélie Winter - pour une audience aussi pathétique que le casting. Arrive aussi à grands pas la ‘Star Academy 7’ avec l’inusable Nikos. Quant à ‘La Nouvelle Star’, elle devrait subsister sans Marianne James ni Manu Katché ni Dove Attia

          Les séries et les fictions

          Les audiences exceptionnelles des séries américaines n’ont pas diminué et l’enthousiasme provoqué par ces créations n’est pas près de s’atténuer. Certains jugent cet engouement trop hégémonique. Pourtant, même le service public a succombé au charme de ‘Coldcase’ qui fonctionne très bien et permet de sourire à Médiamétrie. Il semble donc évident que ‘Les Experts’ (Miami, Manhattan), ‘Heroes’ et autres ‘Esprits criminels’ vont continuer à assurer les beaux jours de TF1. Quant à M6, elle compte sur la saison 2 de ‘Prison Break’. Et, a posteriori, le téléchargement illégal de ses séries ne semble pas avoir de véritable incidence sur le taux d’audience.
          Si la critique contre ce genre de programmes est quelquefois justifiée, il faut reconnaître le talent des scénaristes. Canal + ne s’est d’ailleurs pas trompée en achetant le série ‘Big Love’ qui traite d’une famille américaine polygame et déjantée.

          La french touch

          On connaît la crise de la fiction française. Morandini en parle constamment avec la gravité d’un journaliste traitant de la guerre au Darfour. Pourtant les Français s’accrochent et veulent montrer leur disposition contenue. TF1 veut ainsi investir 200 millions d’euros dans la production de fictions. Malheureusement, les débuts sont assez désespérants. ‘L’Hôpital’, censé ne pas plagier ‘Grey’s Anatomy’ (mais quand même un petit peu) touche le fond dès la deuxième diffusion. Le problème de la fiction française, c’est qu’elle repose sur un principe mimétique difficilement réalisable. Il est contradictoire de contester l’hégémonie des séries américaines tout en les admirant. Dès lors, entendre le réalisateur de ‘L’Hôpital’ pester contre ces séries alors que la chaîne de diffusion de son produit, TF1, en est la plus grosse consommatrice, est assez cocasse. De son coté, M6 a tenté d’imposer un 52 minutes, ‘Les Bleus’, qui n’a pas fait meilleure impression. A quand ‘Les Experts à Melun’ ?

          Un neuf un peu usé

          Le problème de la création télévisuelle française, c’est qu’elle a peu d’imagination. Peut-être en raison des producteurs eux-mêmes, pratiquement tous anciens animateurs du petit écran. Pourquoi le ‘Burger Quiz’, le ‘Jamel Comedy Club’ ou ‘Caméra café’ ont eu autant de succès ? Probablement parce que les concepteurs n’étaient pas rivés à la bulle cathodique. Le principe des boîtes de production n’est pas d’agir en faveur de la création mais de produire des émissions qui fonctionnent et cela à partir d’une base existante, de données figées. Ainsi, on assiste pour cette rentrée à des plagiats plus ou moins subtils du ‘Jamel Comedy Club’, avec ‘Made in Palmade’ sur France 3 ou ’60 secondes du Colisée’ animé par Olivier Mine. Quand à M6, elle souffre déjà de la mauvaise performance de ‘Etes-vous plus fort qu’un enfant de 10 ans ?’ présenté par Roland Magdane et adapté du jeu américain ‘Are You Smarter Than a Fifth Garder ?’.
          On pourrait également évoquer cette utilisation de plus en plus massive d’artistes, chanteurs, comiques ou acteurs comme chroniqueurs et animateurs pour divertissements. Dorénavant l’écrivain critique (Florian Zeller dans ‘Vol de nuit’), le comique juge (Palmade, Magdane), l’acteur vote (Francis Huster pourrait intégrer la ‘Star Academy’), etc. Avec cette question simple : que vient faire Mazarine Pingeot au sein de la bande à Ruquier ?

          La culture : domaine réservé

          Si le service public peut se prévaloir d’une exclusivité, c’est clairement pour ce qui touche à la culture. Ce n’est pas TF1 avec ‘Le Droit de savoir’, ni M6 avec la gonflante ‘Super Nanny’ et autres téléréalités qui pourront contester cet état de fait. Selon le directeur des antennes de France télévisions, Patrice Duhamel, 275 millions d’euros seraient investis pour des fictions culturelles avec l’adaptation de ‘Guerre et paix’ ou le renouvellement des films adaptés des nouvelles de Maupassant. A noter aussi, le développement des retransmissions de théâtre ou d’opéras et la multiplication des programmes “culturels” autour de la science (‘Science on tourne’), de la littérature, des arts ou de la politique. Dans ce domaine, France 5 reste la plus crédible avec le maintien de ‘Ripostes’, ‘Chez Fog’ ou ‘Le Bateau livre’. Paul Amar, de son coté, va reprendre la place du regretté ‘Arrêt sur images’ avec une émission de décryptage de l’actualité intitulée ‘Revu et corrigé’. Enfin, après un démarrage difficile en 2006, ‘Ce soir ou jamais’ a trouvé son public et acquis la reconnaissance des professionnels du Paf. Une vraie innovation basée sur un principe singulier que revendique Taddeï : “Le maître mot de notre émission, c’est l’actualité mais traitée par des gens de la culture.” Ouf !

          Le sport en question

          La guerre des chaînes s’objective avec évidence dans le domaine sportif. A coups de millions d’euros, d’exclusivités et de droits de diffusion, chacun pousse dans la mêlée. France 2 a payé 24 millions d’euros pour l’exclusivité des droits de la Ligue 1 pour contrer ‘Téléfoot’. De son coté TF1 a gagné les droits de diffusion de la Coupe du monde de Rugby capable de fédérer entre 9 et 12 millions de téléspectateurs. Le grand perdant reste probablement le public qui devra, pour suivre les matches de foot et la totalité des spectacles du ballon ovale, payer un abonnement à Canal + ou Eurosport. Ce qui reste inadmissible pour des divertissements de masse extrêmement populaires.

          Depuis quelques années la scission entre service public et télévision privée devient de plus en plus évidente. Malheureusement la créativité et l’innovation ne semblent pas intéresser réellement les chaînes hertziennes rivées aux courbes de l’audimat. Patrick de Carolis a même parlé d’une probable coupure publicitaire au cours des divertissements ou d’une augmentation de la redevance télé. Il faudra également tenir compte des chaînes de la TNT de plus en plus innovantes et pouvant s’enorgueillir de rassembler aujourd’hui environ 10 % de téléspectateurs.
          Entre le neuf déjà usé et l’ancien mal recyclé, peut-être devrait-on y voir l’occasion d’éteindre sa télé afin de parcourir un bon livre, de profiter d’une pièce de théâtre ou de courir les musées avec entrain et désinvolture.

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