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          LE ROUGE A LEVRES Péché de gourmandise

          LE ROUGE A LEVRES

          Fruit défendu

          La bouche écarlate semble douce. Couleur chaude, le rouge pousse à la tentation. Tout comme la pomme de Blanche Neige était rouge, les lèvres sont vermeilles et attendent d'être croquées. Plus qu'un enjolivement, le rouge à lèvres est une invitation au baiser. Comme les fruits sont rouges, la cerise, la figue, la grenade, les lèvres se font sucrées, à l'image des bouches écarlates et arrondies des geishas. Elles deviennent à la fois chemin de luxure et de gourmandise. Doubles péchés pour les lèvres peintes. Et pourtant, les principes hédonistes du Kama Sutra célèbrent la coquette manoeuvre : ''Ta bouche est un coffret recouvert de soie sanglante / Que le désir entrouvre pour y faire resplendir des colliers de perles de nacre." Erotique, la bouche, diabolique pour l'Occident, se fait complice des douceurs de l'amour charnel et nécessaire dans les civilisations orientales. Symboliquement, le rouge a toujours été associé à la passion. Couleur du sang qui apporte l'oxygène au coeur, couleur des joues empourprées à l'annonce d'une galanterie, couleur des robes de mariées mais aussi des prostituées du Moyen Age au XIXe siècle. Le paradoxe du rouge, entre virginité et débauche, gourmandise et péché, s'applique particulièrement bien à ces lèvres charnues qui font la moue.

          Divine, mais dangereuse

          Marilyn MonroeComme le papillon se brûle les ailes à l'ampoule attirante, le rouge des lèvres ensorcelle l'homme. Casanova, professionnel de la séduction, adhérait aux promesses de la couleur, expliquant : ''On ne veut pas que le rouge paraisse naturel. (…) On le met pour faire plaisir aux yeux qui voient les marques d'une ivresse qui leur promet des égarements et des fureurs enchanteresses.'' (5) A partir de 1935, la jeune femme blonde aux cheveux courts et à la bouche épaisse devient la nouvelle Vénus. Dans les années 1950, l'image de la pin up décontractée, sexy et assumant sa féminité prend corps sous les traits de Marilyn Monroe aux lèvres pulpeuses et écarlates. Dès lors, les bouches s'exhibent et se colorent pour attirer l'oeil et susciter l'attrait. Véritable atout de séduction, elles donnent de l'assurance tant à la lolita qu'à la femme fatale qui s'amusent des déconvenues des hommes face à cette nouvelle arme. Fatale aussi car la bouche rouge sang n'est pas sans danger. Aussi Baudelaire se plaît-il davantage à parler des dents et des morsures que des lèvres charnelles qui n'en sont que l'étui séduisant et funeste. Insolente et libertine, la bouche cramoisie blesse comme les vampires. Passé l'interprétation symbolique, le rouge à lèvres devient une arme massive qui libère la femme. A travers son bâton vermeil, cette dernière assume sa féminité. Dans les années 1950, elle devient aussi un être actif, aux mêmes ambitions professionnelles que l'homme. Son maquillage se mue en un atout supplémentaire de puissance. Cette interprétation provenant sans doute de l'éternelle association de la couleur rouge avec le pouvoir car, ''dans le domaine des symboles, rien ne disparaît jamais vraiment''. (6)

          Malheureusement, les diktats des magazines féminins, de plus en plus présents et pressants, enferment à nouveau la femme dans un carcan esthétique. Le rouge à lèvres n'est plus le symbole d'une féminité assumée et libérée, mais un marché prenant le corps de la femme comme objet de marchandise. Le sulfureux du rouge a laissé place à un éventail de couleurs perdant de leur symbolique : rose, transparent, bleu pour les plus originales. Les textures aussi se multiplient : repulpant, gloss, waterproof… Produit phare des cosmétiques, il se retrouve dans toutes les trousses de toilette. A titre d'exemple, le chiffre d'affaires de L'Oréal en septembre 2008 s'élevait à 12,912 milliards d'euros. (7) Le bâtonnet de maquillage n'est plus un produit de beauté séculaire transmis de génération en génération, mais un pur produit marketing. S'il en a perdu son charme, les lèvres, elles, continuent de se mouvoir en toute sensualité.

          (5) Dominique Paquet, 'Miroir, mon beau miroir. Une histoire de la beauté', éditions Découvertes Gallimard, 1997.
          (6) Michel Pastoureau, Dominique Simonnet,
          'Le Petit Livre des couleurs', éditions du Panama, 2005.
          (7) www.loreal-finance.com.

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