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          REFORME DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC La pub est morte, vive la pub !

          REFORME DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

          Le 25 juin dernier, la commission présidée par Jean-François Copé sur une refonte de la télévision publique et de nouvelles sources de financements a rendu son rapport au président Sarkozy. Suppression de la publicité dès 20 heures à partir de janvier 2009, taxations des opérateurs téléphoniques et d'Internet, etc. Retour sur une mesure qui s'impose comme un grand chambardement.

          Pourquoi autant de velléités à l'annonce de l'abandon de la publicité sur les chaînes du service public ? Est-ce le remake d'une mauvaise foi partisane gauchiste, d'un réflexe syndicaliste ou d'un comportement paranoïaque des salariés de concernés ? A priori, la possibilité pour l'audiovisuel public de s'émanciper de la "tyrannie" de l'audience et des exigences des puissantes entreprises de communication, de moderniser et de redéfinir le cahier des charges vers un éditorial plus "culturel", de remanier la grille des programmes à partir de 20 heures - tout cela, sans augmentation de la redevance - apparaît comme une bonne initiative pour le bien-être du téléspectateur et la plénitude du service public. Et pourtant. Les réformes justes n'apprécient guère la célérité et l'improvisation (seulement 169 jours de commissions après une annonce brutale et intempestive). Il semble persister chez Nicolas Sarkozy, selon de nombreux observateurs de la vie politique, une prédilection pour les réponses primesautières, alors que la suppression de la publicité sur la télévision publique - dont la ministre de la Culture n'était pas au courant - aurait eu, a contrario, besoin de temps et d'une réflexion concertée.

          Improvisation et précipitation

          Ainsi, le 8 janvier 2008, le président Sarkozy annonçait à la surprise générale la suppression de la publicité sur les chaînes du service public. Face à une fronde spontanée, aux inquiétudes légitimes des acteurs du monde audiovisuel public et aux gels effectifs de nombreuses productions, est créée le 24 février, une commission présidée par Jean-François Copé. Après de multiples polémiques et le départ prématuré des députés socialistes trois semaines avant la fin des travaux, la commission a rendu un rapport de 54 pages. Le président Sarkozy, confus et très bavard, a réceptionné d'une main ambiguë ce travail. Durant cette cérémonie vouée à la télévision publique, il n'hésitera pas à confesser maladroitement "qu'il faut que les groupes de communications privés soient puissants". Clin d'oeil à son ami Martin Bouygues détenteur de TF1 ou sincère volonté de promouvoir la diversité créatrice et d'asseoir la place économique de la France en Europe ? Avec Nicolas Sarkozy, l'ambiguïté est une seconde peau, la suspicion est la conséquence inévitable d'une communication devenue globalisante.

          Le sous-financement

          La principale mesure consiste à supprimer la publicité après 20 heures à partir de janvier 2009, puis définitivement dès septembre 2011. Coût de cette réforme : environ 450 millions d'euros de recettes à compenser dans un premier temps, puis 650 millions à partir de 2012. Hors de question d'augmenter la redevance pour assurer la pérennité des comptes de l'audiovisuel public. Le président, en accord avec la commission, a préféré instaurer une première taxe de 0,9 % sur le chiffre d'affaires du secteur des opérateurs de téléphonie et des FAI (fournisseurs d'accès Internet), qui devrait ramener 380 millions, ainsi qu'un prélèvement de 3 % des nouvelles recettes publicitaires des chaînes privées, soit 80 millions d'euros.

          Se posent tout de même plusieurs problèmes. Premièrement, de la bouche même du président de France Télévisions, Patrick de Carolis : "J'estime aujourd'hui, que le compte n'y est pas ; j'estime aujourd'hui, que nous n'avons pas les moyens de nos ambitions futures." En effet aux 450 millions de recettes publicitaires à compenser, il faudrait ajouter 400 millions pour le financement des programmes censés remplir les espaces vacants. Deuxièmement, pas sûr que les opérateurs de téléphonie et les FAI jouent le jeu. Yves Moüel, directeur général de la Fédération française des télécoms, a immédiatement dénoncé le caractère "injuste et illégal de la nouvelle taxe" qui selon lui obligera "certains opérateurs à répercuter la taxe sur leur facture". (1)Troisièmement, si la redevance n'augmente pas officiellement, la commission prévoit de l'élargir aux ordinateurs et de l'indexer sur l'inflation, mesure non relevée par le président Sarkozy, mais qui provoquera inévitablement des répercussions sur le pouvoir d'achat des Français.

          L'imposture de la transparence

          C'est une méthode qui ne connaît pas de couleur politique. Face au déni démocratique ou à l'illégalité d'une pratique officieuse, l'aveu et la promesse semblent justifier l'injustifiable, décomplexer l'abus de pouvoir. Aujourd'hui, le président propose, contre l'hypocrisie ambiante, de nommer lui-même le président de France Télévisions. En effet, durant toutes ces années, ce président était élu par les neufs membres du CSA, eux-mêmes désignés par décret par le président de la République (3 membres), le président de l'Assemblée nationale (x3) et le président du Sénat (x3). Et, à cette répartition relative du pouvoir de nomination, Sarkozy n'a pas trouvé mieux, au nom de la transparence, que de devenir l'unique décisionnaire sous le contrôle relatif, très relatif du parlement (majorité qualifiée), du CSA (avis conforme)… Au lieu de dénoncer et de changer radicalement ce pouvoir de nomination abusif, en deçà de l'exigence démocratique, il le rend encore plus intolérable en l'officialisant. Comme si l'argument de la lutte contre l'hypocrisie suffisait à tout légitimer. Le fait du prince et la dépendance officielle du président de France Télévisions au nom de la transparence. Avec un sondage dans Le Parisien où 71 % des Français condamnent ce processus de nomination, ce n'est pas la fin de l'hypocrisie que les citoyens réclament mais la confiance dans l'indépendance des responsables de l'audiovisuel public. Quant à la comparaison avec les autres services publics, elle est un argument peu recevable étant donné la spécificité en démocratie d'un (contre-) pouvoir aussi dense et singulier que les médias. Ainsi la blague ne semble réjouir ni l'opposition ni les syndicats ni même les quelques muets pusillanimes de la majorité… et à juste titre.

          (1) Interview publiée sur LCI.fr le 25 juin 2008.

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