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          L'HUMANITAIRE EN QUESTION 1/3 Faut-il boycotter le Téléthon ?

          L'HUMANITAIRE EN QUESTION 1/3

          Une implication indirecte de l'Etat

          D'aucuns diront que ce service public est tout de même partiellement assuré par l'Etat. En effet, lorsqu'un particulier fait un don, la loi l'autorise à déduire de ses impôts 75 % du montant versé à l'association. (3) L'Etat participe donc indirectement au fonctionnement des services publics proposés par les organisations non gouvernementales (ONG). En outre, il subventionne souvent les associations. 20 % des revenus des Restos du coeur proviennent ainsi du ministère des Affaires sociales, des régions, départements, municipalités ou autres collectivités publiques.

          Pas d'Adriana Karembeu ? Pas de service public !

          L'argent public finance donc en partie ces associations participant au service public. Bonne nouvelle ? Pas tout à fait, car si l'argent du contribuable est engagé, ce n'est pas dans le cadre d'un plan de politique publique. Ce sont les particuliers qui décident à qui est alloué l'argent… Et le don va généralement à la cause la mieux médiatisée, pas forcément à la plus pertinente (même si les deux peuvent concorder), ce qu'on peut difficilement considérer comme une avancée en termes de service public. Prenons l'archétype de l'exemple dans ce domaine : le tsunami de 2004 en Asie du Sud-Est. Plus de 250.000 personnes ont été victimes de cette catastrophe extrêmement médiatisée. Parmi celles-ci, seule une minorité a survécu, ce qui signifie que l'après-tsunami était principalement une affaire de reconstruction. Peu de secours aux victimes nécessaire donc, mais près d'un Français sur deux a fait un don. Au total, 11,4 milliards de dollars collectés sur la planète. En parallèle, 3 millions de personnes étaient touchées par la famine au Niger, dont le gouvernement réclamait depuis un an déjà un soutien financier. Mais qui a donné au Niger ? L'ONU a lancé un appel aux dons auquel peu, même du côté des bailleurs de fonds, ont répondu, tandis que le tsunami récoltait plus que ce qu'avait recommandé l'organisation.

          L'absence de plan global

          Il s'avère par ailleurs problématique de laisser des associations assurer une partie du service public car la vision globale d'un gouvernement est nécessaire pour définir l'intérêt national. En effet, même dotée des meilleures intentions, une organisation non gouvernementale défend un combat en particulier. Elle peut donc se permettre de ne prendre en compte qu'une partie des problèmes, contrairement à l'administration. Ces propos d'un responsable français de Greenpeace en témoignent : "Si vous êtes une grande entreprise, vous serez de fait autorisé à rejeter […] des toxiques par vos cheminées d'usine. Et cela, au nom de l'emploi, de l'essor économique du pays, du développement des nouvelles technologies, obligatoirement porteuses de bien-être. C'est le bien commun - un environnement sain - que l'on massacre au nom d'intérêts très privés." (5) Certes la pollution se révèle néfaste mais si, dans certains projets, son corollaire est la création d'emplois, qui doit se poser la question de son "utilité" ?

          Un appel à la responsabilité citoyenne

          Alors doit-on pour autant cesser de donner à toutes ces associations ? Une large partie du service public est aujourd'hui assurée par ces dernières. Sans même parler du caractère admirable des ONG, au vu du fonctionnement actuel des choses, arrêter les dons serait une catastrophe. Ainsi, les 4 et 5 décembre prochains, il ne s'agit pas de boycotter le Téléthon. Mais plutôt d'en appeler à la responsabilité de chacun. L'Etat remet entre les mains des particuliers la définition des priorités du service public. Il ne finance pas ce qu'il devrait financer avec nos impôts. En attendant donc que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités et assument leur mission d'Etat, il est nécessaire de s'ancrer dans la réalité et de composer au mieux avec cette défaillance. Dépasser ainsi le réflexe de donner à un organisme parce qu'il a su nous émouvoir et prendre le temps de réfléchir à qui notre argent sera le plus bénéfique. Ca sera peut-être le Téléthon. Ou la Croix-Rouge, le Sidaction, ATD Quart Monde ou Médecins sans frontières. Peu importe, l'important est qu'une réflexion ait précédé ce don. Nietzsche décrivait la compassion comme une "moralité instinctive qui ne possède point de tête mais semble être composée seulement d'un coeur et de mains secourables." (6) Face à un gouvernement qui laisse le service public entre des "coeurs" et des "mains secourables", à nous d'être plus responsables que ce dernier et de remettre une tête sur la générosité française.

          (3) 75 % jusqu'à 510 euros, puis 66 % dans la limite de 20 % du revenu imposable.
          (4) 43 % des Français interrogés par l'Ifop selon un sondage du 7 décembre 2005 ; 46,1 % des Français interrogés par le Centre d'étude et de recherche sur la philanthropie (Cerphi) selon un sondage publié le 26 janvier 2005 dans
          La Croix.
          (5) Thierry Pech, Marc-Olivier Padis,
          'Les Multinationales du coeur. Les ONG, la politique et le marché', Paris, Seuil, 2004.
          (6) Friedrich Nietzsche,
          'Le Voyageur et son ombre'.

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