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          25 ANS DE TETRIS Le culte de la brique

          25 ANS DE TETRIS

          Qui se rappelle de sa première partie de Tetris ? Quelques-uns sans doute, passés à côté, trop vieux pour aller s'abîmer les yeux devant un écran rempli de quelques larges pixels se déplaçant dans tous les sens. Pas les enfants des années 1980, c'est sûr. Comme si ces briques les avait accompagnés en pensée toute leur vie, la culture des 25 dernières années, peu importe comme elle les a touchées, en a été tout entière imprimée. Tetris a 25 ans. Eux aussi.

          Les briques s'écrasent, s'amassent, s'empilent et recouvrent le sol vierge de leurs formes aléatoires. Elles vont par quatre, scellées entre elles comme autant de figures abstraites. Tragique, le rythme s'accélère, et le joueur embarqué dans cette galère s'affaire comme il le peut de sa destinée, à la recherche d'un espace, d'une seconde de souffle, de la moindre indulgence, de cette encoche idéale qui lui permettra de remplir une ligne entière, pour le plaisir de la voir disparaître, là, sous ses yeux, cette trace d'une éphémère victoire qu'il aura tant peiné à construire. Le principe est simple mais l'enjeu démoniaque ; le joueur creuse son propre tombeau à mesure que l'édifice informe, fait de ces briques irrémédiablement attirées par le sol, s'érige à l'écran. Une fois atteint son sommet, la sanction est formelle : "Game over".

          ne pardonne pas l'erreur. Même, il n'honore pas la réussite, ou si peu… Et cela fait 25 ans qu'il impose sa logique effroyable, fascinante et jouissive dans la culture.

          Press Start

          Tetris n'est pas un mythe, c'est une épopée. Une aventure humaine impitoyable et absolument effarante ; la forme ludique, muette symbolique d'une possibilité de partager des émotions analogues, d'un bout à l'autre du monde, d'une culture à l'autre. Sans un mot d'explication, une simple invite à presser la touche "start", voilà la logique Tetris en action ; une première pièce tombe. Puis la seconde. Une troisième, une quatrième, cinquième, sixième… Invariablement, le joueur découvre dès les premières secondes son champ d'action. Assez restreint finalement : déplacement à droite, déplacement à gauche, rotation à droite, rotation à gauche et, pour les plus téméraires, la possibilité d'accélérer la chute. Tetris, dans ses premières heures, n'est même pas un apprentissage, simplement une familiarisation, Tetris a déjà considéré que quiconque s'en approche a accepté les règles qu'il n'a même pas formulées. Universel, le Tetris ? Derrière sa racine grecque, ce "tetra" qui en est la clé de voûte, Tetris a des allures de création universelle, objet d'un culte païen, idole absconse d'une génération hantée par ses formes.

          L'ami qui venait du froid

          La première version jouable de Tetris naît au milieu des années 1980, au coeur d'une petite salle de l'Académie des sciences de Moscou. Alexey Pazhitnov, qui y travaille, crée, au plus fort de la guerre froide, l'un des plus grands phénomènes de société de la fin du XXe siècle. Très vite, les copies inondent la capitale russe et, dans tout Moscou, la communauté informatique se passionne pour ce dérivé du pentamino, un puzzle qui consiste à placer sur une surface donnée des pièces constituées de cinq carrés. Les premières adaptations pour ordinateurs Apple II et Commodore 64 voient le jour en dehors de Russie et, conscient du potentiel d'un tel programme, un certain Robert Stein se décide à lui faire passer définitivement les frontières, loin des terres communistes, direction l'économie libérale.

          Le choix est stratégique. Tetris, dont Stein tente, en vain, d'obtenir, les droits auprès de Pazhitnov, va se révéler un succès commercial de premier ordre. Une année durant, Tetris passionne les amateurs de haute technologie déjà rompus aux joies du jeu vidéo, puis le scandale éclate. Pazhitnov révèle la supercherie ; Tetris serait un pur produit de l'Est, qui plus est dérobé à la sauvette, piraté par les Américains et ayant inondé le marché. Il faut dire que les programmateurs responsables de l'adaptation, réalisée à la va-vite, n'ont même pas pris le soin de maquiller le crime. Les images du Kremlin inondent les arrière-fonds d'un jeu qui va jusqu'à utiliser l'alphabet cyrillique sur son écran titre. Le tollé ne s'arrête pas là. Si Robert Stein et Alexey Pazhitnov trouvent un terrain d'entente, les sociétés qui exploitent le titre trouvent à leur tour le moyen de créer un imbroglio. Revendant les droits à deux autres sociétés, voilà Tetris à nouveau prisonnier de son statut de star, dont la paternité est revendiquée par nombre de papas.

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