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          ELECTIONS AMERICAINES Le politique en question(s)

          ELECTIONS AMERICAINES

          Quels sont les enjeux réels de cette élection ? Olivier Chopin, spécialiste de la politique étrangère américaine et maître de conférence à Sciences Po Paris, a accepté de répondre à nos questions.

          A en juger par la couverture médiatique de l'événement, l'élection du prochain président des Etats-Unis aura un impact considérable sur la face du monde. Le choix des Américains revêt-il réellement une importance si capitale ? L'élection d'un McCain ou d'un Obama va-t-elle vraiment changer la face du monde ? Au fil de l'entretien avec Olivier Chopin, il ressort qu'on oublie un peu vite les spécificités politiques du pays de l'Oncle Sam.

          Le rapport à la politique est-il le même aux Etats-Unis qu'en France ?

          Aux Etats-Unis, la politique occupe une place beaucoup moins importante dans la vie des citoyens. C'est quelque chose de moins passionnel, de moins investi qu'en France. Les discussions politiques n'animent pas des débats dans les cafés comme chez nous. Cela ne signifie pas que les Américains sont moins politisés ; simplement, ils n'ont pas cette forme de délibération naturelle sur les choses politiques. Lors des élections, la politique occupe bien sûr plus de place dans l'espace public et dans la vie des Américains, mais ça n'atteint jamais l'intensité que l'on remarque en France.

          Cette attitude paisible vis-à-vis des élections est-elle liée au système fédéral ?

          En effet, les Américains vivent plutôt la politique à l'échelle locale. Cependant, pour une fois, cette attitude n'est pas tant liée au fédéralisme qu'à une certaine idée de la démocratie. Chez nous, le vote demeure l'un des actes de citoyenneté les plus forts. Pour eux, élire un président revient certes à choisir entre des options politiques, mais reste un acte quasi mécanique de désignation d'un représentant. Il y a beaucoup plus de charges de magistratures électives aux Etats-Unis qu'en France : les Américains élisent leurs juges, parfois leurs shérifs, etc. Il faut une légitimité populaire à la représentation, donc ils votent, mais ce geste a sans doute moins de sens politique qu'ici. Ce n'est pas nécessairement un acte de citoyenneté pure.

          Doit–on en déduire que les Américains sont peu intéressés par la politique ?

          Ils ne vivent pas moins politiquement que nous, ils vivent différemment. La politique investit d'autres espaces. Chez eux, la démocratie n'est pas, comme en France, un régime politique mais plutôt, comme le disait Tocqueville, un régime social, un régime qui emprunte les formes du droit. Pour un Américain, être membre d'un jury populaire est considéré comme un acte beaucoup plus politique que le fait de voter. Avec leur système de Common Law (1), dans les tribunaux vont se jouer des choses qui, chez nous, se jouent dans l'élection : des principes de justice, des problèmes moraux, des vraies questions politiques. Etre membre d'un jury, c'est dire le droit, ça permet au citoyen d'influencer réellement la vie en société. C'est beaucoup plus concret que des élections ou la politique washingtonienne. Les questions politiques se jouent plus lors de grands procès que lors des élections - ça explique d'ailleurs pourquoi il y a tant de films et de séries avec des scènes dans les tribunaux : le tribunal est chez eux un des lieux de la démocratie.

          Peut-on considérer que le clivage entre républicains et démocrates correspond à celui qui existe entre droite et gauche en France, avec un échiquier politique décalé vers la droite ?

          Il y a en effet une droite et une gauche, mais la comparaison ne fonctionne pas réellement. Chez nous, la droite est plutôt libérale économiquement et conservatrice socialement, face à une gauche plutôt progressiste. Chez eux, on va trouver des gens progressistes et conservateurs chez les républicains comme chez les démocrates. Les démocrates ont, par exemple, remporté les élections de mi-mandat en mettant dans certains Etats des candidats plus conservateurs que les candidats républicains. Evidemment, la plupart des démocrates sont progressistes et la plupart des républicains conservateurs, mais on ne peut avoir une imagerie simpliste et en faire une généralité. Donc ce n'est pas tant un décalage, un déport vers la droite de la politique américaine par rapport à ce qu'elle serait en Europe, qu'une complexité interne.

          Les partis outre-Atlantique diffèrent-ils beaucoup des nôtres ?

          Les partis américains ne sont pas des partis au sens français du terme, ce ne sont quasiment pas des institutions permanentes. Hors des périodes électorales, les sièges des républicains ou des démocrates à Washington sont même beaucoup plus petits que ceux du PS ou de l'UMP. Ils rebâtissent chaque fois le parti par des levers de fonds, ils embauchent pour l'occasion, louent des locaux… Hors des périodes électorales, républicains et démocrates existent plutôt au travers de groupes parlementaires, des leaders des majorités ou minorités, et, surtout, d'un ensemble de laboratoires d'idées. Des groupes contradictoires traversent ainsi souvent les partis. Cela pose d'ailleurs aujourd'hui problème aux républicains : John McCain a plus de mal à fédérer au sein de son parti que Barack Obama.

          (1) Tradition britannique puis américaine du droit. Ce droit ne repose pas, comme en France, sur des codes préalables, mais sur l'accumulation des usages et coutumes. Il s'exprime surtout par la jurisprudence.

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